Drive, She Said : Écart de conduite
En 1995, Mina Shum s’inspirait de sa propre vie (et de celle de sa famille) pour signer – avec Double Happiness – un premier long métrage particulièrement drôle et tonique: un petit film modeste, mais extrêmement sympathique, qui portait un regard original et attachant sur les problèmes d’une jeune Canadienne d’origine chinoise, tiraillée entre ses rêves et ceux de ses parents.
Le deuxième long métrage de Mina Shum, Drive, She Said, évite courageusement de reprendre les ingrédients qui avaient fait le succès de son premier film pour tenter quelque chose de beaucoup plus risqué et (malheureusement) de beaucoup moins réussi: une sorte de road movie féministe, au carrefour du film d’action et du conte initiatique, qui raconte l’étrange périple d’une jeune caissière (Moira Kelly) qui est arrachée à sa routine et découvre une autre vie le jour où elle est prise en otage par un voleur de banque séduisant (Josh Hamilton) qui l’entraîne avec lui dans sa fuite.
Malheureusement, les habitués du genre (qui va de Bonnie and Clyde à Something Wild, en passant par Badlands et Niagara, Niagara) devineront très vite où s’en va le film, et rien dans la façon dont Mina Shum le met en scène ne viendra égayer la monotonie du trajet.
De fait, après une ouverture assez prometteuse (grâce à une narration ludique et aux superbes images en Scope de Peter Wunstorf), le film perd vite toute originalité pour embrasser mécaniquement tous les clichés du genre: le portrait du quotidien banal de l’héroïne est lui-même monotone et sans surprise; son kidnapping et sa fuite avec le voleur sont filmés de façon compétente mais quelconque; l’inévitable histoire d’amour qui se noue entre eux (avec la référence obligatoire au «syndrome de Stockholm») n’étonnera personne; et la conclusion est télégraphiée (capture du couple et retour à la routine) sans une once d’imagination ou de poésie.
Certes, la réalisatrice tente bien, çà et là, d’épicer ce parcours prévisible de quelques touches originales: un arrêt d’une nuit dans un motel abracadabrant qui semble sorti d’un film de Jarmusch; quelques scènes de dialogues décalés qui visent un humour à la Hal Hartley; un arrêt dans une petite ville nommée «China», qui permet à la réalisatrice d’établir un pont avec son premier long métrage; et quelques clins d’oil et références aux films d’Hitchcock et de Truffaut… Ces ajouts ne suffisent toutefois pas à gommer l’aspect générique d’un projet qui ne parvient jamais à se démarquer des ouvres similaires (et supérieures) qui l’ont précédé. Restent quelques touches d’humour, un climat de douce fantaisie et le jeu attachant de Moira Kelly, perdus dans un film sympa mais plutôt mièvre, souvent quelconque et toujours prévisible. Bref, une ouvre qui nous laisse sur l’impression déroutante (et assez paradoxale) d’un road movie en forme de voyage organisé: un film d’aventures qui ne sort jamais des sentiers battus, et qui fait l’éloge de la différence en multipliant les lieux communs.
Au Cinéma du Parc