La Position de l’escargot : Repli stratégique
Après deux courts métrages remarqués (Loin d’où? et, surtout, Nulle part, la mer) et deux longs métrages documentaires (L’arbre qui dort rêve à ses racines et Le Violon sur la toile), Michka Saäl signe, avec La Position de l’escargot, un premier long métrage de fiction explorant soigneusement les thèmes qui semblent déjà définir son cinéma: le déracinement et la famille, l’intégration et le souvenir, l’affirmation de soi et l’ouverture sur autrui.
Ces thèmes, Michka Saäl les explore, cette fois-ci, à travers le parcours de Myriam (Mirella Tomassini), une jeune juive originaire du Maghreb qui vit à Montréal depuis dix ans, et qui est amenée à se remettre en question par les gestes de trois hommes différents: son chum Théo (Henri Chassé), qui la plaque au moment où ils allaient s’acheter un appartement, ce qui la pousse à s’installer provisoirement chez une amie (Pascale Montpetit); son père, Dédé (Victor Lanoux), qui reprend contact avec elle après vingt ans d’absence, tout en travaillant sur d’étranges combines avec un vieil ami (Dino Tavarone); et Lou (Jude-Antoine Jarda), un jeune squatter jamaïcain, séduit par sa beauté, et qui la suit avec de plus en plus d’insistance, en lui faisant une cour aussi excentrique qu’envahissante.
Avec ces personnages (tous plus ou moins déracinés ou sans-abri), Michka Saäl nous convie à une réflexion sur l’exil et la mémoire, axée autour de la famille. Une réflexion subtile, intelligente et complexe, mais qui a, malheureusement, quelque chose d’empesé et d’artificiel. Est-ce parce que les acteurs ne parviennent pas toujours à transcender la fonction dramatique ou symbolique de leur personnage? Est-ce parce que le scénario accumule des invraisemblances (en particulier lorsqu’il dramatise les tentatives de séduction absurdes de Lou, le jeune poète-squatter)? Ou est-ce tout simplement parce que la cinéaste n’a pas su faire exploser un scénario «trop écrit», dont les ressorts sont trop évidents et les personnages, trop symboliques? Toujours est-il qu’on a l’impression que ce film sensible et soigné ne parvient pas vraiment à donner vie à ses personnages et à ses idées. Un peu comme si cette réflexion (pourtant visiblement sentie, et profondément personnelle) restait trop souvent – malgré ses nombreuses références au jazz et ses moments de sensualité – étrangement symbolique et désincarnée.
On regarde donc La Position de l’escargot en étant constamment tiraillé entre le respect qu’impose une ouvre rigoureuse, subtile et singulière et la frustration qu’inspire un film un peu trop rigide et artificiel. Un film élégant (malgré son budget modeste), traversé par quelques scènes réussies (dont celle, superbe, des retrouvailles de Myriam avec son père), qui suggère – même par ses faiblesses – une sensibilité originale et un regard très personnel. Bref, un premier long métrage inégal, mais prometteur, qui donne envie de voir le deuxième…
Dès le 20 novembre
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