Meet Joe Black : Mort à crédit
Cinéma

Meet Joe Black : Mort à crédit

Avec ses trois heures de projection, Meet Joe Black dure deux fois plus longtemps que le film dont il est inspiré (soit Death Takes a Holiday, un film de 1934 mettant en vedette Fredric March). Bien que ce faux remake soit très différent du film sur lequel il est basé, sa longueur démesurée témoigne bien de l’inflation qui domine tous les aspects du film boursouflé de Martin Brest (le cinéaste qui avait déjà présidé, avec Scent of a Woman, à l’américanisation hypertrophiée de Parfum de femme).

De fait, cette superproduction (dont le budget se situe autour de 90 millions de dollars) est comme une vaste caisse de résonance, construite autour d’une très petite histoire: à savoir, les «vacances» que la Mort (Brad Pitt, tour à tour ludique et mortifère) vient passer sur Terre, histoire de voir comment vivent les pauvres mortels. «Pauvres» étant toutefois ici un adjectif bien relatif, puisque la Mort s’intéresse particulièrement au président d’un vaste empire médiatique (Anthony Hopkins) dont la fille (Claire Forlani) finira inévitablement par éveiller la Mort aux charmes de la vie (hé oui!)…

Ayant ainsi transplanté sa prémisse métaphysique dans le monde bien terre-à-terre d’un pseudo-Ted Turner, Martin Brest drape son scénario (télégraphié à huit mains, par quatre des script doctors les mieux payés d’Hollywood) dans un climat d’opulence surfaite digne de Dynasty ou de La Vie des gens riches et célèbres: domaine à la Great Gatsby aux Hamptons, promenade en hélicoptère privé au-dessus de New York, trempette dans une piscine intérieure aux dimensions olympiques, et feu d’artifice final (qui s’étire sur un bon quinze minutes), digne d’un 4 juillet à Washington. Le tout, impeccablement mis en valeur par la superbe direction artistique de Dante Ferretti, les images somptueusement veloutées d’Emmanuel Lubezki, et les violons subtils, mais omniprésents, de Thomas Newman. Bref, du beau linge pour du beau monde…
Et le reste? Difficile à dire tant les attributs de l’emballage (son luxe ostentatoire, sa durée démesurée, sa lourdeur démonstrative) obscurcissent les qualités de son contenu (le jeu impeccable d’Anthony Hopkins, la présence émouvante de Claire Forlani, deux ou trois scènes vraiment réussies). A tel point que l’on se demande parfois – déchiré entre la finesse de l’exécution technique et la lourdeur du message – si Meet Joe Black est un film grossier réalisé avec beaucoup d’adresse; ou une ouvre délicate écrasée par trop de tape-à-l’oil. Avec sa tendance bien hollywoodienne de nouer tous les fils du scénario en un interminable happy end, la fin a au moins le mérite de nous faire choisir clairement la première des deux hypothèses…
De fait, Meet Joe Black apparaît finalement moins comme un film que comme un curieux paquet-surprise: un gigantesque écrin de luxe destiné à mettre en valeur une bague en toc; une magnifique table de banquet où l’on ne sert que du pop-corn. Bref, l’idée que l’on peut se faire du cadeau de rêve lorsqu’on travaille dans une industrie où même la Mort ne s’intéresse qu’aux riches…

Voir calendrier