Taxi : Degré zéro
Cinéma

Taxi : Degré zéro

Certains films dégagent de la testostérone, comme certains humains abusent d’Aqua Velva: il y a autant un problème de dosage que de qualité du produit. Ainsi pue Taxi, un film signé Gérard Pirès. Cet ancien coureur automobile s’est déjà commis dans la comédie avec Fantasia chez les ploucs et Elle court, elle court la banlieue. A titre de genèse, rappelons que Pirès est un copain de Luc Besson, scénariste et producteur de Taxi. C’est-à-dire que Besson, qui avait un petit trou dans la préparation du Cinquième Élément, s’est dit: «Tiens, je vais écrire une supercomédie pour mon pote Gérard!» Et Gérard l’a trouvée super. Tournage en plein mois d’août dans les rues de Marseille, Rémy Julienne et ses petits cascadeurs bousillent une centaine de voitures, le taxi roule vraiment à plus de 200 km/h. C’est super.

Le sujet est le suivant: un beau beur aux yeux bleus (Samy Nacéri), fou du volant, ex-livreur de pizzas, prend son taxi pour une formule 1. Il fait la rencontre d’un flic maladroit (Frédéric Diefenthal), qui n’arrive pas à passer son permis, mange chez sa maman et fantasme sur une Barbie, improbable commissaire de police. A deux, ils vont poursuivre «le gang des Mercedes», voleurs de banques teutons.

Une histoire pareille renvoie à d’autres grands moments du cinéma français. Pensons à Fantomas. Souvenez-vous du triptyque: un méchant sans foi ni loi, des flics stupides et un couple de jeunes premiers, beaux et téméraires. Taxi reproduit les mêmes composantes, avec une lourdeur et une invraisemblance identiques. Mais disons qu’une comparaison avec un Fantomas est ce qui peut arriver de mieux à ce film. Plus justement, il serait préférable de dire que Taxi est une pub de bagnoles pour gamins unicellulaires. D’où la première scène: la caméra suit un scooter qui file comme un dingue entre les voitures sur la musique d’intro de Pulp Fiction! Ohé! la jeunesse, regardez, on est capable de faire américain! En fait, le film se voulait un hommage à ce cinéma sans prétention qui faisait se tordre de rire les familles à la deuxième séance du dimanche. On abuse de courses de voitures, de personnages non fouillés, non développés, stéréotypés, souvent directement sortis d’une B.D., entre Milo Manara et Les Bidochons; et on glisse le tout dans un scénario embryonnaire et paresseux. Pour couronner, on arrose d’un humour bien glauque et dévastateur, surtout envers la susceptible gent allemande. Du pire franchouillard sorti des tranchées…

Avec ces dialogues «réalistes» qui «font jeune», mais qui n’ont rien à voir avec la communication verbale entre êtres développés, Taxi est surtout un bel exemple de démagogie primaire. On vise les jeunes de 12 à 18 ans, mais une coche en dessous de leur intelligence pour ratisser large, et on ramasse l’argent. Le phénomène Les Boys. Six millions de Français se sont tapé sur les cuisses devant Taxi. La quantité n’étant pas un gage de qualité, on est en droit de se demander si le besoin de détente et de défoulement au cinéma n’est rien d’autre que le simple masque de la connerie humaine…

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