A Bug's Life-Babe : Le carnaval des animaux
Cinéma

A Bug’s Life-Babe : Le carnaval des animaux

Fourmis, puces, cochons, oies, caniches et orang outangs: Hollywood sort sa ménagerie de Noël. Entre la réussite d’A Bug’s Life, la bizarrerie inégale de Babe: Pig in the City, et les prouesses technologiques des deux, les bêtes et les bébites s’éclatent.

Depuis qu’Hollywood a redécouvert le public familial, la fête américaine de Thanksgiving amène sur nos écrans les plus grandes productions des studios dans le genre. Cette année, les vaisseaux amiraux de la flotte ont pour titres A Bug’s Life et Babe: Pig in the City. Deux films qui offrent, d’un côté, les bestioles de John Lassiter (le créateur de Toy Story) et d’Andrew Stanton, dans un «cartoon hi-tech» doté d’un budget de 80 millions de dollars; et de l’autre, le cochon de George Miller (le producteur de Babe), dans une sorte de méga-Saturnin, soutenu par un budget de 90 millions de dollars. Deux films qui reposent toutefois sur des histoires qui se ressemblent tellement qu’il est difficile de ne pas s’en rendre compte…

Dans A Bug’s Life, une adorable fourmi provoque un accident qui met en péril la survie de sa colonie, et part dans le vaste monde pour tenter de la sauver, ce qu’elle parvient à faire grâce à une bande d’insectes de cirque qui l’aident à triompher de l’ennemi et à réintégrer son foyer. Dans Babe: Pig in the City, un adorable cochon provoque un accident qui met en péril la survie de sa ferme, et part dans le vaste monde pour tenter de la sauver, ce qu’il parvient à faire grâce à une bande d’animaux de cirque qui l’aident à triompher de l’ennemi et à réintégrer son foyer. Coïncidence?

Ce qui est sûr, c’est que les auteurs de ces films aux prémisses très similaires ont choisi d’aller dans des directions bien différentes: A Bug’s Life, du côté du dessin animé jouissif et visuellement éblouissant; Babe: Pig in the City, du côté de la fable animalière inégale, mais techniquement stupéfiante. De fait, on a un peu l’impression que ces films ont d’abord été conçus comme des entreprises destinées à mettre en valeur les derniers développements technologiques; qu’il s’agisse des outils capables de transformer un monde d’insectes animés en un univers de couleurs délirantes, à mi-chemin entre Busby Berkeley et Ken Russell; ou qu’il s’agisse des trucages capables de prêter à une troupe d’animaux des nuances d’expression dignes des pensionnaires de l’Actor’s Studio!

Avec son scénario solide, son feu roulant de gags et ses personnages mémorables, A Bug’s Life reste toutefois le plus réussi de ces petits miracles de haute technologie: un dessin animé astucieux, jouissif et somptueux, qui se démarque non seulement par la richesse de sa distribution vocale (Dave Foley, Kevin Spacey et Julia Louis-Dreyfus) et par ses multiples clins d’oil astucieux (ne ratez surtout pas les fausses «mauvaises prises» qui accompagnent le générique de fin), mais surtout par la richesse de sa lumière, l’éclat de ses couleurs, et l’aspect tridimensionnel de ses dessins (on est loin de la fadeur plastique d’Antz – un film mieux écrit, mais beaucoup moins bien mis en images). Le résultat est un cartoon survolté, doublé d’un superbe album d’images, à mi-chemin entre Toy Story, Microcosmos et Fantasia.

Le cas de Babe: Pig in the City paraît, en revanche, plus problématique. Mis en scène par George Miller (le réalisateur des Mad Max et des Sorcières d’Eastwick), le second Babe narre les aventures d’un innocent dans la ville. Un innocent qui découvre la drogue (!), les gangs (!!) et la violence urbaine (!!!), dans un film où il cause presque la mort de son maître (!), tente de noyer un pitbull dans une scène interminable (!!), et met accidentellement le feu à un hôpital plein d’enfants cancéreux (!!!). Bref, l’une des suites les plus excentriques, ambitieuses et bizarres jamais vues: un plaidoyer pour la tolérance en forme de voyage initiatique tordu (évoquant moins Babe que Mad Max Beyond the Thunderdome), tantôt drôle, féerique et charmant, tantôt brutal, réaliste et dérangeant, mais qui éblouit constamment par la manière dont il prête vie à une troupe d’animaux surprenants (dont un vieil orang-outang qui mérite d’ores et déjà une place dans la prochaine course aux oscars).
De fait, on sort d’A Bug’s Life et de la suite de Babe avec la même impression, malgré leurs différentes qualités: celle d’avoir vu deux films à la fois semblables (dans leur fond) et différents (dans leur forme), typiques d’un cinéma où la technique est dorénavant le seul vrai champ d’expérimentation; un cinéma qui exploite un éventail de scénarios de plus en plus limité à travers une foule de moyens de plus en plus illimités. Bref, un cinéma qui ressemble maintenant à un cirque peuplé d’animaux qui font et refont sans cesse les mêmes numéros.