Lawn Dogs : Banlieue blues
Cinéma

Lawn Dogs : Banlieue blues

Lawn Dogs est le type même du film qui passe à travers les mailles du filet promotionnel, et qui trace sa route sans tambour ni trompette. Chéri du dernier Festival de Sundance, Lawn Dogs est signé John Duigan (Flirting et l’imbuvable Sirens), qui a choisi de réaliser le premier scénario de la poétesse Naomi Wallace, dame du Kentucky. C’est d’ailleurs dans cet État que se situe cette histoire d’amitié entre une petite fille, Devon (Mischa Barton) et Trent (Sam Rockwell), un homme qui tond des pelouses. La petite fille s’ennuie dans sa banlieue-forteresse, sans amis, et avec des parents trop parfaits pour être honnêtes. Elle s’évade de ce monde détesté par des histoires magiques, et s’enfuit dans la forêt afin de retrouver son pote. Elle a dix ans, il en a vingt et un. C’est un «bum», et elle, une fille de riches. Ça sent le roussi… Mais pas de façon convenue.

Ce film étonnant oscille entre le discours manichéen (une vision simpliste de la fausse égalité démocratique à l’américaine), la poésie acide de Tim Burton (une fillette qui hurle à la lune, toute nue sur le toit d’une maison, et qui regarde sa chemise de nuit s’envoler) et la facture un tantinet malsaine de David Lynch. La banlieue-prison – maison Tudor trônant au milieu de grandes pelouses trop vertes et sans arbres – ne draine que des êtres inquiétants, dont un petit garçon qui passe son temps à se déguiser et à se battre, un doberman qui n’aime pas les enfants, et deux fils à papa aux mains lestes.

Les riches sont un cran au-dessus de la normale (ou de l’anormal), et ont tous une tare hypertrophiée qui les rapproche de la caricature, et les éloigne encore de l’humanité. Seuls les pauvres savent sourire et parler juste. En tête, Trent, excellent Sam Rockwell (prix d’interprétation au FFM), le type même du beau mec, détesté par les gars et adulé par les filles, qui cultive la vie au fond des bois. La vieille idée gauchisante du riche pourri et du gentil pauvre qui en bave, les angoisses de la pédophilie, la déshumanisation des liens sociaux et familiaux: tout est remis à jour, et explose dans une fin lyrique et très magique.
Le monde du rêve, le seul viable au milieu de ces adultes corrompus, devient force de frappe. La fillette, l’hybride, celle qui fait le lien entre l’enfance et l’adulte, entre les pauvres et les riches, va régler le sort de chacun. On peut être agacé par des dialogues parfois trop construits, voire pompeux, mais la beauté des images, l’intelligence des virages scénaristiques, la qualité de l’interprétation, et le bonheur, rare, de se laisser surprendre, font que Lawn Dogs traîne longtemps en mémoire.

Au Cinéma du Parc
Dès le 4 décembre