Cinéma

Serial Lover : Vamp de feu

MICHELE LAROCQUE est une actrice formidable. Elle peut être une chieuse hystérique (Le Plus Beau Métier du monde) ou une épouse dynamique (Ma vie en rose), mais rarement la pin up du coin. Quelle surprise de voir une caméra remonter le long de ses jambes, mouler son corps puis son visage hyper-maquillé, surmonté d’une perruque rousse coupée au carré?

Dans Serial Lover, premier long métrage de James Huth, elle est une vamp totale qui décide de réunir ses trois amants autour d’un canard au sang. La dame est très maladroite, et ses maladresses à répétition vont éveiller les soupçons d’un flic glacial, Albert Dupontel. S’ensuit un bazar des plus complexes.

James Huth est un petit rigolo qui a dû se gaver de polars américains des années 50, qui a du voir 345 fois Kiss Me Deadly, et qui est probablement atteint d’un psychotronisme aigu. Plus clairement, on appelle cela un intérêt enfantin, mâtiné d’un snobisme sympathique, pour le polar et le nanar. Tout dans ce film, présenté en primeur dans le cadre du festival Cinemania, fait référence aux romans policiers américains des années glamour: les filles sont sensuelles, nunuches et fardées au rouleau; et les hommes sont ombrageux. Et les décors… Le penthouse de cette directrice de collection de romans policiers (Larocque) est un bijou de déco pompé à même la vision parisienne des fifties: juke-box lumineux, murs acidulés, lampes en peau de tambour, chambre rose de starlette, grand escalier qui tourne. Magnifique.

Cette «comédie dangereuse» est amusante dans les premières scènes. La mise en images, qui abuse des cadrages dramatiquement obliques, et des gros plans de hurlements ou d’oil dilaté par la frayeur, amuse. Ça sent le Délicatessen des beaux quartiers. La ponctuation de scènes par des insertions de phrases de romans noirs est une idée banale, mais ça colle au style. Mais, même dans un penthouse de rêve, on peut s’enliser dans un huis clos tournant autour d’une femme qui ne sait que faire de ses trois amants. On tombe rapidement dans le boulevard. En fait, Serial Lover aurait fait un bon moyen métrage. Le rythme tient le coup la première demi-heure, puis se met à tourner à vide. Que nous fallait-il une fiesta délirante (une trentaine de dingues envahissent l’appartement pour swinguer en chour) qui nous plonge dans un rave déplacé? La sauce s’allonge, les époques se mêlent difficilement, et le spectateur se demande comment 85 minutes peuvent être aussi longues. Précis comme un métronome, Dupontel en flic se ramène pour ponctuer les chapitres de ce minuscule polar mis en images. Les acteurs sont plutôt drôles (deux voleurs débiles sont assez savoureux en pieds nickelés se prenant pour les Platters), mais les dialogues, sans nuances, branchés et vides, ne volent pas haut.

Les nostalgiques de l’époque en ont pour leur argent côté tics, bibelots et clichés; mais la farce est aussi profonde qu’un pouf en cuirette. Mieux vaut s’amuser au jeu des identités: si Larocque a parfois la beauté vulgaire de Barbara Stanwyck dans Double Indemnity, Dupontel est aussi aimable que Dana Andrews dans Laura. Et là s’arrêtent les comparaisons. Les classiques y perdraient des plumes, et Serial Lover n’y gagnerait rien.

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