Dancing at Lughnasa : Le choix des larmes
Cinéma

Dancing at Lughnasa : Le choix des larmes

Parce qu’il faut bien pleurer dans les chaumières, et parce que de bonnes actrices doivent travailler, il existe des films comme Dancing at Lughnasa, un drame lyrique idéal pour verser des larmes. A l’origine, cette histoire était une pièce de théâtre écrite par Brian Friel, et qui a reçu trois Tony Awards. Le réalisateur irlandais Pat O’Connor (Circle of Friends) a donné décors et relief au drame.

Dans Dancing at Lughnasa, Friel raconte des souvenirs personnels, sorte d’hommage rendu à sa mère et à ses tantes. Dans le comté de Donegal, Michael (Darrell Johnston) est un petit garçon choyé par sa mère, Christina (Catherine MacCormack), et par les quatre autres sours Mundy: la douce et simplette Rose (Sophie Thompson); Agnès, son ange gardien (Brid Brennan); la forte et rigolarde Maggie (Kathy Burke); et celle qui dirige la maisonnée, la sérieuse maîtresse d’école, Kate (Meryl Streep). Ces cinq femmes sans homme vont voir leur vie bouleversée par l’arrivée de deux mâles: leur frère, Jack (Michael Gambon), ex-missionnaire en Afrique, fortement marqué par les rites païens, et Gerry (Rhys Ifans), le père de Michael et amoureux de la belle Christina.

Un été catalyseur après lequel rien ne sera plus comme avant: l’idée n’est pas nouvelle. Période de transition entre l’état précaire, mais stable, de cinq femmes vivant dans un monde rural et fermé; et celui, presque anarchique, de l’industrialisation qui fait des siennes, cet été-là fera éclater les statu quo, les commérages et les désirs. Mais on se sauve d’une grande banalité par l’interprétation des actrices, et par le regard clair du scénariste sur la condition féminine.

Meryl Streep est une pâte à modeler étonnante, plus irlandaise qu’une O’Hara, avec un accent qui roule comme cailloux dans la rivière. Elle incarne une vieille fille dont les charges et les responsabilités ont enterré les joies. D’ailleurs, les cinq comédiennes jouent cette même facette – enfouissement des désirs pour faire face au quotidien bien gris – , et toutes développent, selon le caractère du personnage, une facette différente de la frustration. Elles réussissent à composer une unité familiale homogène, une cellule qui réagit en bloc dès qu’un grain de sable vient coincer l’engrenage. Kathy Burke est un plaisir à regarder, et les retenues de Brid Brennan sont émouvantes. Vont-elles retourner danser aux fêtes de la moisson, aux danses de Lughnasa? La danse est le seul élan de joie possible, seul canal qui les attache à leurs désirs et à leur corps. Et la danse permet de beaux travellings circulaires, et quelques sons de flûte échappés de Riverdance.

Si les caractères sont un peu trop grossiers ou simplistes, l’écrivain a su trouver les mots pour décrire ces cinq femmes. On imagine ainsi qu’elles sont le portrait juste d’une vie austère, faite de brimades, une vie plus amère pour elles que pour les hommes qui, dans le film, sont fous, salauds ou insouciants. Mais le réalisateur n’a pas fait grand exploit. Classique, il fait voguer son film comme un gros bateau, nous amenant dans les chemins convenus qu’annonce la voix off du petit Michael. Et si le thermomètre larmoyant fait bien son travail, certaines de ces dames iront à la course aux oscars.

Dès le 11 décembre