Les Survivants de l’Apocalypse : Paroles d’évangile
Saviez-vous qu’il y a près de 800 sectes au Québec? Étant passé d’un catholicisme tout-puissant à un athéisme généralisé en moins de 50 ans, le Québec est un terrain particulièrement fertile pour les gourous en tous genres qui proposent une vie mode d’emploi à des gens à la recherche de leur identité.
Les Survivants de l’Apocalypse, de Richard Boutet, trace huit portraits de rescapés, des hommes et des femmes qui, après avoir pensé trouver la réponse à toutes leurs questions en rentrant dans une secte, se sont retrouvés dans un cul-de-sac. La plupart psychologiquement ébranlés, socialement désarmés, et parfois physiquement amoindris.
Avec une jeune femme comme guide (Nancy Turgeon, Témoin de Jéhovah de 5 à 12 ans, parce que sa belle-mère l’était), Boutet va de témoin en témoin, mettant en lumière à quel point toutes ces sectes sont toutes faites sur le même modèle. S’inspirant de l’Apocalypse selon saint Jean, elles prédisent la fin du monde, promettent le salut aux élus, et demandent une adhésion totale à la doctrine.
Richard Boutet est cinéaste, et il se sert des images pour tenter de comprendre le monde, pour montrer des mouvements de société ou des moments historiques, et surtout pour donner la parole à ceux qui ne l’ont pas. Qu’il s’agisse des ouvriers des années 30 (La Turlute des années dures, coréalisé avec Pascal Gélinas), des hommes qui refusèrent la Première Guerre mondiale (La Guerre oubliée), de jeunes qui ont voulu se suicider (Le Spasme de vivre), ou de psychiatrisés qui font de la peinture (Le Chemin brut), il ne dénonce jamais, et ne se pose jamais en juge. Pour Les Survivants de l’Apocalypse, il pose le même regard compatissant, mais rigoureux, sur ce phénomène. Raéliens, Témoins de Jéhovah, Templiers de l’O.T.S., Médecins du ciel, Chevaliers du lotus d’or, Nouvel Horizon, Solamira, disciples de Rock Thériault ou de Jacques Paquette: ces groupements intégristes sont menés par des leaders charismatiques, qui mêlent allégrement christianisme, croyances moyenâgeuses, pratiques bouddhistes, théories fumeuses d’astrologie, et fatras Nouvel Age.
On y parle d’extraterrestres qui viendront nous sauver, de lumière et d’état de conscience. Des propos simplistes qui ont pour but premier d’infantiliser ceux qui les boivent comme paroles d’évangile. Des paroles simples et rassurantes comme: «Il n’y aura plus de méchanceté, on pourra flatter les lions comme des gros minous!» (véridique)
La recherche spirituelle, le questionnement sur la vie, les angoisses existentielles et le besoin de comprendre, d’expliquer, d’appréhender, d’apprivoiser la mort sont communs au genre humain. Ce qui frappe, ce sont les extrêmes – perte totale de personnalités d’autonomie de pensée, de pouvoir de décision – où se rendent des individus perdus.
Au milieu de ces mondes étouffants, sclérosés, paranoïaques, la présence lumineuse et simple d’Hubert Reeves apporte un salutaire répit. L’astrophysicien met les choses en perspective avec des phrases à l’emporte-pièce comme: «La fin de la Terre n’est pas la fin du monde, c’est quelque chose d’assez anecdotique», «L’an 2000, c’est occidental, c’est très paroissial!»
L’image forte d’un cavalier noir galopant sur un cheval blanc, et de courtes scènes dans lesquelles Yves Massicotte incarne un saint-Jean sorti de Ben-Hur ponctuent ce film qui montre sans démontrer, et qui, contrairement aux «messies» qu’il pointe, n’apporte pas de solutions prédigérées, mais stimule le débat. Les séances du 11 au 14 décembre seront suivies d’une rencontre avec Yves Casgrain, spécialiste des sectes.
Au Cinéma ONF
Du 11 au 17 décembre