

A Simple Plan : Plan fixe
Georges Privet
Alors qu’ils traversent les forêts enneigées du Midwest, trois hommes – un comptable rangé (Bill Paxton), son frère simple d’esprit (Billy Bob Thornton), et leur ami d’enfance, ivrogne invétéré (Brent Briscoe) – tombent par hasard sur les restes d’un avion, dans lequel ils trouvent un cadavre, et quatre millions de dollars. Se disant que cet argent est lié à un trafic quelconque, et qu’on ne risque pas de venir le réclamer, les trois hommes décident de le cacher soigneusement et d’attendre le printemps avant de le dépenser. Mais leur méfiance mutuelle, leur bêtise et leur malchance feront que ce «plan simple» se compliquera très rapidement…
A Simple Plan, de Sam Raimi, a une histoire prometteuse (tirée du best-seller homonyme de Scott B. Smith), trois rôles juteux pour des acteurs de talent (auxquels se joint Bridget Fonda, en épouse machiavélique), quelques moments de tension soigneusement mis en scène; et témoigne d’un soin, d’une rigueur et d’un refus des concessions tranchant nettement avec le tout-venant de la production américaine d’aujourd’hui. Au point qu’on croit presque voir un film des années 70. Comment se fait-il alors qu’on en ressorte plutôt déçu, et avec la vague impression d’avoir vu un film auquel on n’a pas pu croire un seul instant?
La réponse, en un mot, tient au scénario, ou plus précisément à la manière dont une idée prometteuse, et relativement crédible, est transformée en une succession de revirements de plus en plus grotesques et abracadabrants, destinés non pas à creuser une prémisse captivante (la descente de trois «honnêtes gens» dans la folie criminelle), mais plutôt à enfoncer inlassablement le même clou moral, à savoir – soupir… – que le crime coûte toujours plus que ce qu’il finit par rapporter.
Du coup, ce qui s’annonçait comme un croisement fertile entre Fargo, Le Trésor de la Sierra Madre et Deliverance (c’est d’ailleurs John Boorman qui, à l’origine, devait réaliser A Simple Plan) devient une fable de plus en plus risible et incroyable. Le genre de petit polar qui veut se donner des airs de grandeur en empruntant tantôt au drame biblique (Caïn et Abel), tantôt à la tragédie shakespearienne (Macbeth), mais qui finit plutôt par ressembler à un téléfilm excessivement manichéen et moralisateur.
C’est d’autant plus dommage que la mise en scène de Sam Raimi (plus connu pour des films comme Evil Dead et Darkman) est étonnante de rigueur et de sobriété, et évite presque tout ce qui fait l’ennui du cinéma américain d’aujourd’hui: les personnages unidimensionnels, la surenchère dans les scènes d’action, le matraquage audiovisuel et les happy ends abracadabrants.
Tout, sauf cette morale de docudrame, qui revient scène après scène, et qui donne parfois à A Simple Plan l’air d’un téléfilm de fin de soirée. Un téléfilm très bien mis en scène, photographié et interprété (en particulier par Billy Bob Thornton), mais qui s’appuie sur un «plan» scénaristique trop simple pour transcender les limites d’un polar en forme de sermon.