Hilary and Jackie : Sours de sons
Premier film d’ANAND TUCKER, Hilary and Jackie raconte une de ces histoires «incroyables mais vraies» qui brassent l’art, l’amour et la famille. Un mélodrame classique, parfois émouvant, mais trop sage.
De par ses ressemblances avec Shine, son histoire «incroyable mais vraie», sa protagoniste souffrant de sclérose en plaques, et son duel d’actrices de choc, Hilary and Jackie fait partie de ces mélodrames prestigieux et larmoyants qui semblent presque avoir été conçus spécialement pour la soirée des Oscars.
Est-ce à dire que ce film – le premier d’Anand Tucker, un documentariste venu de la télévision – est nécessairement académique et ennuyant? Pas du tout. En fait, cela veut tout simplement dire que ce film solide mais classique se coule un peu trop aisément dans le moule d’un genre (celui des biographies de musiciens torturés) pour nous atteindre comme devrait le faire une histoire aussi bouleversante et vraie.
Poussées à apprendre la musique dès leur plus jeune âge, Hilary et Jacqueline du Pré passèrent leur vie à se faire affectueusement compétition et envie. Hilary-la-brune (Rachel Griffiths) opta très tôt pour la flûte, une vie rangée et l’amour pépère d’un musicien local (David Morissey); pendant que Jackie-la-blonde (Emily Watson) choisit plutôt le violoncelle, une carrière internationale et un mariage de rêve avec le chef d’orchestre Daniel Baremboim (James Frain). Toutefois, malgré les succès qu’elle remporta à travers le monde, Jackie demeura toujours envieuse de la vie «simple» de sa sour Hilary. Une vie qui se compliqua passablement lorsque Jackie débarqua chez sa sour en exigeant de partager sa vie, son mari et ses enfants, ayant appris qu’elle souffrait d’une maladie (la sclérose en plaques), qui allait l’emporter à l’âge de 42 ans…
Partant des mémoires qu’Hilary et son frère consacrèrent à leur sour, Tucker et son scénariste (Frank Cottrell Boyce) ont construit un film ambitieux qui se divise en trois parties. Un bref prologue, qui raconte la jeunesse des sours Du Pré et qui les accompagne jusqu’à leur première séparation; puis deux longs segments (intitulés Hilary et Jackie) qui nous montrent leurs parcours séparément, du point de vue de chaque protagoniste, en opposant (de façon un peu simpliste) l’art et la vie, la famille et la carrière, l’amour et la musique.
Ironiquement pour un film sur la difficulté de réconcilier des choix de vies opposés, Hilary and Jackie semble incapable de choisir un point de vue et de s’y tenir. Refusant d’embrasser vraiment ses protagonistes, Anand Tucker signe un film élégant mais neutre, sensible mais distant, où l’académisme et les performances d’acteurs tentent de combler (sans vraiment y parvenir) l’absence d’un véritable regard.
Du coup, ce film bien fait et parfois même émouvant – surtout dans le deuxième tiers, qui évoque Jules et Jim, citation à l’appui – devient progressivement un drame de plus en plus mélo, appuyé et prévisible; une de ces «histoires vraies» qui sont si soigneusement passées au tamis de la scénarisation traditionnelle qu’elles finissent par perdre ce qui les rendait à la fois crédibles et exceptionnelles.
Bref, une de ces machines à oscars (à mi-chemin entre Shine et The Turning Point) dont le ronronnement rassurant couvre un peu trop la vérité et l’émotion.
Dès le 22 janvier
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