Playing by Heart : Maux à mots
C’est quand on voit des films comme Playing by Heart qu’on imagine à quel point les acteurs qui ont décidé de travailler à Hollywood sont affamés. Gavés d’argent et de célébrité, si ça marche; mais affamés de rôles qui leur demande autre chose que d’incarner un «love interest», pour les femmes de moins de trente ans; ou, pour les hommes, un avocat, un flic ou un médecin qui débite un dialogue insipide entre deux explosions.
Il est indiqué, dans le dossier de presse que, lorsque le scénario commença à circuler dans Los Angeles, les acteurs et actrices de tout poil se ruèrent sur le téléphone. On les comprend: avec une dizaine de personnages principaux, entre 20 et 60 ans, plus de dialogues que dans un film de Rohmer, ce film a été fait pour eux.
On suit six histoires en parallèle. Mariés depuis 40 ans, Hannah et Paul (Gena Rowlands et Sean Connery) vivent une énième crise, alors qu’une vieille histoire refait surface. Mildred (Ellen Burnstyn) et son fils Mark (Jay Mohr) tentent, alors que celui-ci meurt du sida, d’inventer une relation quasi inexistante. Directrice de théâtre échaudée par l’amour, Meredith (Gillian Anderson) hésite à répondre aux avances de Trent (Jon Stewart), architecte optimiste. Jeune actrice survoltée, Joan (Angelina Jolie) est attirée par Keenan (Ryan Philippe), un clubber maussade et sauvage. Sans rien savoir l’un de l’autre, Gracie (Madeleine Stowe) et Roger (Anthony Edwards) font régulièrement l’amour dans une chambre d’hôtel; et Hugh (Dennis Quaid) passe ses soirées à raconter des malheurs fictifs pour intéresser des inconnues (Patricia Clarkson, Nastassja Kinski, et David Ferguson!).
Troisième long métrage de Willard Carroll (producteur d’émissions de télé et scénariste de films destinés au marché vidéo), Playing by Heart n’est pas un film, mais un atelier public de l’Actor’s Studio: tout le monde parle comme des scénaristes, et chaque personnage semble avoir dialogué sa vie et ses émotions. Ça pourrait être la version californienne de Your Friends and Neighbours, mais dont le tranchant serait sérieusement émoussé.
Ça finit évidemment bien pour tout le monde; il y a beaucoup de chiens, et d’appartements aux couleurs coordonnées, et les dialogues sentent la série télé, mais avec la qualité d’interprétation (sans surprise dans les cas de Rowlands et de Burnstyn, surprenante chez Jolie et Philippe) qu’on y trouve, Playing by Heart parvient à nous tirer une larme. Pour ce qui est du cinéma, on repassera…
Dès le 22 janvier
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