Gare centrale : Suivre le train
Cinéma

Gare centrale : Suivre le train

Habile et efficace, mais sans surprise, Gare centrale, de WALTER SALLES, est un bon mélodrame qui se dirige tout droit vers l’oscar du meilleur film étranger.

Chaque année, Hollywood honore – à travers ses oscars – un film étranger parmi tous ceux réalisés à travers le monde. Comme les membres de l’Académie sont des gens souvent âgés, qui aiment des films qui leur ressemblent, et qui ont la nostalgie d’un cinéma qu’Hollywood ne fait plus, ils votent généralement pour un film assez vieillot et conservateur, qui a les valeurs d’un autre temps et les vertus du travail bien fait. Des films comme Kolya, qui remporta l’oscar en 1997; Character, qui l’obtint en 1998; ou Gare centrale (Central Station), qui semble avoir été conçu expressément pour le décrocher cette année, et qui sera sans doute le plus proche compétiteur de La vita è bella, de Roberto Benigni.

De fait, ce film brésilien (qui a remporté de nombreux prix, de Berlin à San Sebastian) a un pedigree à peu près idéal: son producteur, Arthur Cohn, a déjà gagné trois oscars du meilleur film étranger (pour Le Jardin des Finzi-Contini, Noirs et Blancs en couleurs et La Diagonale du fou); son réalisateur, Walter Salles, est un Brésilien dont le second long métrage (Foreign Land) a remporté sept prix internationaux; et il a été coproduit par des partenaires aussi divers et prestigieux que NHK (pour le Japon), Canal Plus (pour la France), et l’incontournable Sundance Institute, où son scénario a bénéficié de l’aide d’auteurs aussi renommés que Frank Pierson (le scénariste de Dog Day Afternoon) et Joan Tewkesbury (la scénariste de Nashville)! C’est d’ailleurs peut-être pour cette raison que Gare centrale (qui est par ailleurs un film très bien écrit, photographié et mis en scène) repose sur une histoire qui sent un peu trop les comités de lecture et les formules à succès.Une ex-enseignante retraitée, aigrie et solitaire (l’excellente Fernanda Montenegro), qui gagne sa vie à écrire des lettres pour les passants qui traversent chaque jour la gare centrale de Rio de Janeiro, est amenée à prendre en charge le fils d’une cliente décédée après lui avoir dicté une lettre destinée au père disparu de l’enfant. Josué (Vinicius De Oliveira), un garçon remarquablement observateur et vif, comprend toutefois vite que Dora n’expédie jamais les lettres qu’on lui dicte, et entreprend de retrouver seul ce père inconnu qui est désormais son unique famille. Mais Dora décide finalement d’accompagner l’enfant au fil d’un voyage où il attendrira peu à peu le cour de la vieille dame…

Mariage habile d’une demi-douzaine de films (allant de Gloria à Il Postino, en passant par Scarecrow et The Kid), Gare centrale est un film traditionnel mais habile, qui combine adroitement les forces du mélodrame et du road movie; un défilé de scènes classiques et à peu près immanquables (le gosse qui perd sa mère, la dame qui essaie de s’en débarrasser, leurs retrouvailles émouvantes après avoir failli se perdre…), qui sont adroitement unies par un scénario traditionnel (le film surprend rarement), dont les rouages sont toutefois très bien construits et huilés (par Joao Emanuel Carneiro et Marcos Bernstein). En somme, le genre de film qui vous mène exactement là où vous pensez qu’il va aller, mais qui le fait d’une main sûre et avec un certain doigté.

Grandement aidé par la photo de Walter Carvalho, par une mise en scène qui emprunte au documentaire, et par le jeu remarquable de Fernanda Montenegro (une actrice qui évoque à la fois Gena Rowlands et Giulietta Masina), Gare centrale est un mélo bien fait et relativement subtil qui n’a en fait qu’un seul vrai défaut: celui de n’apporter rien de neuf, de personnel ou de surprenant à une recette archiclassique, par ailleurs apprêtée avec adresse. Bref, de quoi combler les amateurs de cinoche à l’ancienne et de bons mélos, pourvu qu’on n’y cherche pas l’ombre d’une idée ou d’une scène originales. L’Académie appréciera sans doute…

Dès le 29 janvier