Hurlyburly : Le grand jeu
S’il y a une chose à laquelle les acteurs ne résistent jamais, c’est à la chance de mordre à belles dents dans le genre de texte théâtral où les personnages importent plus que l’action; et où ils s’embrassent, puis se déchirent, entre deux longs monologues. C’est d’ailleurs sans doute ce qui explique qu’une distribution quatre étoiles (composée de Sean Penn, Kevin Spacey, Chazz Palminteri, Robin Wright Penn, Gary Shandling, Anna Paquin et Meg Ryan) ait accepté de suivre Anthony Drazan (le jeune réalisateur de Zebrahead) dans son projet de porter à l’écran Hurlyburly, la célèbre pièce de David Rabe sur la faune pourrie, perdue et cocaïnée du Hollywood des années 80, qui offre précisément le genre de scènes (à mi-chemin entre Mamet, Cassavetes et Kazan) dont rêvent les acteurs entre deux répétitions.
De fait, cette pièce mordante, confuse et parfois brillante (créée en 1984, off-Broadway) sur l’amitié douteuse de deux partenaires en production (Penn et Spacey) qui masquent leur malaise existentiel par une foule d’expériences narcotiques et sexuelles, a tout ce que l’on peut attendre du genre de texte dont les acteurs aiment se servir pour montrer ce qu’ils savent faire. Des personnages très bien conçus, riches en détails, en contradictions et en surprises; des dialogues extrêmement vivants, plein de monologues angoissés, d’échanges acerbes et de confrontations explosives; et une foule de thèmes toujours actuels (la dérive des valeurs, le vide culturel et spirituel, l’incapacité d’aimer ou d’être aimé…) explorés de manière intelligente et sensible. Tout, sauf une histoire capable de lier en une ouvre cohérente cette enfilade de morceaux d’audition dont on ne cesse de chercher le sens, et qui nous lassent à force de tourner en rond.
Du coup, on regarde ce film soigné, solidement interprété (surtout par Penn et Spacey), et parfois fort bien mis en scène, comme si on avait accidentellement fait irruption dans un atelier d’acteurs, un laboratoire de création collective ou une séance de répétitions: en admirant les numéros d’une troupe de comédiens qui prennent visiblement plaisir à se perdre dans un texte dont l’émotion et le sens profond ne nous rejoignent malheureusement jamais.