Affliction : Liens du sang
Que ce soit comme scénariste (Taxi Driver, Raging Bull) ou comme réalisateur (Blue Collar, American Gigolo), Paul Schrader a toujours été intéressé par les relations entre l’incommunicabilité, la violence, le puritanisme et l’autodestruction. Sa démarche singulière (d’une rare cohérence dans le cinéma américain actuel) a laissé dans son sillage quelques films mémorables (Hardcore, Mishima), quelques échecs cuisants (Cat People, Light of Day), et un nombre croissant d’ouvres ambitieuses mais décevantes (Witch Hunt, Touch), qui semblaient refléter les doutes d’un cinéaste à la recherche de lui-même.
Sans être du calibre de ses meilleurs films (il s’en faut de beaucoup…), Affliction appartient clairement à la partie la plus intéressante de la filmographie de Schrader. Tiré d’un roman de Russell Banks (l’auteur de The Sweet Hereafter), Affliction ramène en effet le cinéaste à ce qu’il fait le mieux: explorer les démons de personnages brisés, qui tentent désespérément d’établir un contact avec le monde, et qui, faute d’y arriver, se replient sur eux-mêmes en un acte de «purification» d’une rare violence.
Dès le début du film, notre narrateur (Willem Dafoe) nous apprend que ce que nous verrons est l’examen des causes d’un meurtre sans motif apparent. Un meurtre perpétré (on l’apprend tout de suite) par Wade Whitehouse (Nick Nolte), le frère du narrateur et le chef de police alcoolique, divorcé et violent d’une petite ville du New Hampshire (en fait, un coin du Québec, où le film a été tourné l’hiver dernier).
Quelles sont les causes de ce meurtre? C’est évidemment ce que le film tentera de nous faire découvrir, en nous entraînant d’abord sur la piste d’un complot lié à une sombre spéculation immobilière (à la Chinatown), avant de nous plonger au cour d’un drame familial qui oppose Wade à son père (James Coburn, étonnant), un ivrogne despotique, responsable de l’affliction qui affecte ses enfants, et qui donne son titre au film.
Affliction est donc la chronique d’un meurtre annoncé; l’autopsie d’une relation père-fils, cimentée par l’alcool et la violence. Un sujet intéressant, certes, mais maintes fois exploré, que Schrader filme avec rigueur et intelligence, mais sans originalité ni imagination.
Ajoutez un Nolte impressionnant, mais sans surprise, dans un énième rôle de lion en cage; un climat de tension si chargé d’échos bibliques qu’il frôle parfois la parodie; et une narration finale étonnamment lourde sur «l’héritage de violence transmis de pères en fils»; et vous avez un drame intense et rigoureux, qui reste toutefois constamment terre à terre et prévisible. Comme si, en simplifiant son histoire pour la rendre plus mythique et universelle, le cinéaste avait ironiquement mis en relief ce qu’elle avait de plus ordinaire.
Manifestement plus réussi que les dernières réalisations de Schrader, mais beaucoup moins impressionnant que ses ouvres marquantes, Affliction est un drame archiclassique qui reste malgré tout assez prenant; le genre de film qui captive parce qu’il a des choses à dire, même s’il n’a pas toujours une manière très intéressante de les raconter…
Dès le 12 février