Sinueuse et calme, une route de la campagne française défile devant la caméra. Au volant: Jacques Pruez (Jacques Nolot), acteur quinquagénaire parisien, qui revient dans son village natal de Marciac, dans le Sud-Ouest, après dix ans d’absence. Sa vieille mère est mourante, et l’occasion est bonne pour l’enfant prodigue de revenir dans cette commune d’un millier d’habitants, qu’il a quittée à 16 ans pour cause d’homosexualité. Même si, maintenant qu’il est devenu une vedette du petit écran, les villageois lui demandent un autographe au cimetière, pas grand-chose n’a changé…
En 1983, Jacques Nolot incarnait, dans un moyen métrage d’André Téchiné intitulé La Matiouette ou l’arrière-pays, un homme qui revient sur les lieux de son enfance. Quinze ans plus tard, après avoir scénarisé J’embrasse pas, et joué dans plusieurs films, dont cinq de Téchiné, Nolot boucle la boucle avec ce premier long métrage qui a remporté le Prix de la jeunesse au dernier Festival de Cannes.
Film tranquille et sourd, L’Arrière-pays montre donc la mort de la mère (Mathilde Moné), les funérailles, l’enterrement; le père (Henri Gardey) qui reste seul avec sa chienne et son petit salon de coiffure; le frère, réactionnaire ordinaire, qui descend de Bordeaux; les tantes qui potinent; les jeunes qui prennent un verre sur la grand-place. Ce n’est pas grand-chose comme intrigue, mais, peu à peu, se profilent, plus qu’elles ne se dessinent, les rancours anciennes, les jalousies enfouies, les vieilles odeurs. Tout ce qui fait cet «arrière-pays» que chacun, un jour ou l’autre, est obligé de revisiter, la plupart du temps à l’occasion d’événements dramatiques.
Tout ça a l’air très sombre, et pourtant le film de Nolot ne l’est pas. C’est un film qui suit le courant, plus construit qu’il n’en a l’air, et à la recherche d’une certaine vérité. Les comédiens – tous amateurs, et tous formidables – viennent de la région; il n’y a aucune musique, aucun effet de caméra, rien qui ne soit imposé. Ce n’est pas un film lent, mais un film qui respire, lentement et profondément, une pause dans l’agitation ambiante. Les deux premiers tiers du film sont comme engourdis, en suspens, alors que les jours sont rythmés par la maladie, la mort imminente, puis l’enterrement. Il y a peu de dialogues, et certaines images sont marquantes, comme celles de la toilette de la morte, où ce corps usé et nu met en relief notre obsession de la jeunesse.
Puis, lorsque le quotidien reprend ses droits, ça s’emballe avec les confessions des tantes et les secrets de Polichinelle révélés, alors que l’enfant du pays apprend des choses sur ses origines que tout le monde savait. Ça divague un peu vers la fin alors qu’une scène au rythme de vidéoclip aligne cuisses de jeunes rugbymen et fesses de toreros, mais on sent là le besoin de Nolot de ne pas tomber dans le politically correct où la raison de l’exclusion de son personnage resterait, pour nous spectateurs, théorique.
Autobiographique et anti-sentimental, L’Arrière-pays est un film direct, mais pudique, qui annonce un cinéaste singulier.
Dès le 12 février