Les Rendez-vous du cinéma québécois : Jours de fête
En une semaine, près de 140 productions défileront aux 17es Rendez-vous du cinéma québécois. Les Boys, Laura Cadieux, 2 Secondes et autres Violon rouge: 98 fut une année faste, qui sera bientôt couronnée par de tout nouveaux prix Jutra, déjà controversés. Pour l’instant: place au cinéma!
Vaste panoramique de la production audiovisuelle de l’année, la 17e édition des Rendez-vous du cinéma québécois fera-t-elle date? Une programmation chargée, une cérémonie à la clé: de petites différences qui viennent chatouiller le milieu du cinéma, avec, en épilogue, la première édition des prix Jutra, les Masques du cinéma, les Génies du Québec. Retransmise en direct à TVA, le 7 mars, il s’agira d’une soirée où les habits de pingouin auront la cote, et où les gens remercieront derrière un lutrin, prix à la main.
Un regroupement de plusieurs cinéastes ont décidé d’écrire une lettre pour mettre en garde contre cette copie des oscars. Cette Grande Nuit du cinéma serait, selon eux, réductrice par rapport à l’ensemble de la production québécoise. Probablement. Mais une touche de paillettes rend tout à coup les gens bien frileux. On craint pour les courts métrages et pour les documentaires relégués à la cave, et on craint que l’argent ne se divise pas en deux manifestations. Craintes justifiables, certes: cinéma égale souvent sous-financement chronique, et il est vrai que les Rendez-vous, orchestrés avec talent, humour, perspicacité et intelligence, forment le carrefour de toutes les influences et de toutes les mouvances, toujours réactualisées, année après année.
Porte-parole de ce groupe de réalisateurs et de réalisatrices, Jeanne Crépeau les décrit comme un «modèle original, imparfait peut-être, mais en constante évolution et en parfaite cohérence avec la pratique cinématographique et vidéographique d’ici». Mais une soirée de gala, avec les défauts inhérents aux soirées de ce type, avec son lot de panache, de poudre aux yeux et d’autocongratulation nationale, ne peut-elle pas aussi être une porte ouverte sur un autre aspect de notre cinématographie? On peut rêver… Et il est normal qu’on le fasse à l’heure où tous et chacun se pètent les bretelles devant une année très faste, le cinéma d’ici ayant rapporté près de dix millions de dollars – même si Les Boys et C’t’à ton tour, Laura Cadieux en ont raflé plus des deux tiers.
Cette année, aux Rendez-vous, on retrouve près de 140 films, tous formats confondus. Peu d’images sont restées dans les mailles du filet, même si la durée de l’événement a été réduite à une semaine. Dans la catégorie fiction, on retrouve 15 longs métrages, 42 courts ou moyens métrages et 39 vidéos; et les documentaires totalisent 40 ouvres. On dirait presque l’exposition de tous les travaux de la classe accrochés aux murs… Et c’est tant mieux, le tout formant une palette bigarrée chaotique et extrêmement vivante, qui agit comme un dard sur notre curiosité. Et on peut plonger dans le tas, toutes langues confondues, le français et l’anglais n’étant plus dans des catégories à part.
Dans les nouvelles ouvres, on découvre des perles et des bons coups. En commençant par la soirée d’ouverture qui, selon les termes de Michel Coulombe, directeur des Rendez-vous, sera placée sous le signe de l’impératif, alors qu’on découvrira Viens dehors!, d’Éric Tessier, une parodie biblique et kitsch assez marrante, et Emporte-moi, de Léa Pool, film finement ciselé où Karine Vanasse, une jeune venue, fait merveille.
Plus tard, dans la semaine, on attend le road movie Le Grand Serpent du monde, d’Yves Dion, avec Murray Head et Louise Portal; et deux nouveaux documentaires: L’Erreur boréale ou les remous du coup de gueule abitibien du duo Richard Desjardins et Robert Monderie; et la palette éclatée de la vie d’un peintre, Riopelle Sans titre – 1999, Collage, de Pierre Houle. Parmi les courts métrages en primeur, soulignons la force du duo Richard Robitaille-Robert Gravel dans Les Mots magiques, de Jean-Marc Vallée; le cynisme machiavélique de One Night, de Ricardo Trogi; ou l’humour absurde et décapant des Douches fulgurantes, de Jeremy Peter Allen et Martin Le Blanc.
Outre les primeurs, c’est aussi, et surtout, l’occasion de voir ce qu’on a raté, de 2 Secondes, de Manon Briand, à Quiconque meurt, meurt à douleur, de Robert Morin, en passant par les documentaires Les Enfants de Refus global et Les Dames du 9e. Au terme des Rendez-vous, l’Association des critiques de cinéma remettra ses prix, sans nul doute fort différents des Jutra… Un hommage sera rendu à la Coop Vidéo, à Vidéo Femmes, et aux 50 ans de la SARDeC, ainsi qu’à Jean-Pierre Lefebvre avec la présentation de son triptyque autour d’Abel-Marcel Sabourin.
Focus, impressions, réflexions, hommages: voici donc le pot-pourri de ces derniers Rendez-vous avant le millénaire.
Du 11 au 17 février