Eight Millimeter : Porno croûte
Cinéma

Eight Millimeter : Porno croûte

Y a-t-il quelque chose de plus pathétique qu’un gros film hollywoodien qui essaie d’avoir l’air «dans le coup», un peu comme ces vieux hommes d’affaires qui se mettent soudainement à s’habiller «jeune» pour écumer les bars en voiture sport?

Hollywood nous en donne une nouvelle preuve avec Eight Millimeter, le dernier film de Joel Schumacher, dans lequel le réalisateur de Batman Forever et Batman and Robin s’est entouré d’un jeune scénariste (Andrew Kevin Walker, l’auteur de Seven), d’une star excentrique (Nicholas Cage) et de collaborateurs branchés (comme Mychael Danna, le compositeur des films d’Egoyan), pour aborder un sujet audacieux (le monde de la porno extrême), qu’il traite avec tout le courage d’un politicien en campagne électorale.

Eight Millimeter se présente pourtant, dès son titre, comme un film qui a la prétention d’abandonner les formats standard, de sortir des conventions habituelles, d’être vaguement hard et underground. Bref, d’essayer au moins de nous surprendre en nous entraînant dans l’enquête d’un détective privé (Nicholas Cage, désespérément terne) parti explorer les dessous de l’industrie porno, à la demande d’une riche veuve qui s’interroge sur l’authenticité d’un film de «porno-meurtre» (traduction bancale de snuff movie) trouvé dans le coffre-fort de son mari.

Malheureusement, on est vite déçu (que l’on soit amateur de sensations fortes, ou même de bons divertissements) par l’ennui que distille cette descente aux enfers prévisible, où notre héros part, guidé par un Virgile de pacotille (pourtant bien interprété par Joaquin Phoenix), à la poursuite d’un monstre (Peter Stormare, qui en fait des tonnes), décrit comme le «Jim Jarmusch de l’industrie porno»! D’autant que ce polar moralisateur, qui dépeint Los Angeles comme une nouvelle Babylone (à grands coups de musique indienne et de chants arabes!), emprunte généreusement, mais sans succès, à Seven (pour l’ambiance poisseuse et les échos bibliques), à Hardcore (pour sa prémisse et l’illustration du monde de la porno), à Taxi Driver (pour l’esprit vengeur du protagoniste) et à Silence of the Lambs (pour la bataille finale dans «l’antre du monstre»).Que dire alors de ce Eight Millimeter en cinémascope luxueux, de ce faux film de cul qui bande mou, de cette descente aux enfers qui s’avère aussi traumatisante qu’une pub de McDo? Que dire, sinon que c’est, incontestablement, un film de Joel Schumacher.

Voir calendrier
Cinéma exclusivités