François BouvierHistoires d’hiver : + la carte
Avec Histoires d’hiver, FRANÇOIS BOUVIER raconte l’histoire simple d’un jeune garçon des années 60, sur un ton qui mêle mélancolie et humour. Un voyage dans l’enfance qui pourrait bien vous rappeler des souvenirs…
Il y a un ton – un mélange de mélancolie, d’humour et de gravité – que l’on retrouve dans presque tous les films de François Bouvier; qu’il s’agisse de Jacques et Novembre et des Matins infidèles (deux longs métrages qu’il a cosignés avec Jean Beaudry); des Pots cassés (réalisé d’après un scénario de Gilles Desjardins); ou encore d’Histoires d’hiver, son nouveau film, une adaptation libre d’un roman de Marc Robitaille (Des histoires d’hiver, avec des rues, des écoles et du hockey), qui raconte le passage à l’adolescence d’un garçon des années 60, obsédé par Henri Richard et les cartes de hockey. Un «film de commande», selon l’expression consacrée, né à l’instigation de ses producteurs (Claude Gagnon et Yuri Yoshimura-Gagnon), mais que Bouvier a transformé en un film d’auteur qui lui ressemble complètement.
«En fait, explique Bouvier, ce qui m’a attiré dans Histoires d’hiver, c’est ce qui m’attire toujours dans un projet: le ton et le regard à travers lesquels les choses sont racontées. Dans ce cas-ci, c’était le mélange de naïveté et d’intelligence du livre. Et puis, j’aimais la manière dont il partait du hockey pour aborder d’autres sujets: la passion, l’éveil au monde, la transformation des choses et des gens.»
Nous sommes à la fin de 1966. Martin Roy (Joël Drapeau-Dalpé), un passionné de hockey de 12 ans, grandit entre une mère (Diane Lavallée) qui fait de la peinture à numéros, un père (Luc Guérin), qui essaie d’apprendre l’anglais pour avoir une promotion, et un oncle (Denis Bouchard) qui lui raconte les exploits des frères Richard avant de se coucher. Coincé entre une maîtresse d’école répressive (Suzanne Champagne) et un prof d’anglais révolutionnaire (Alex Ivanovici), Martin découvrira la duplicité des adultes, apprendra l’indépendance, et s’intéressera même à une petite fille (Maude Gionet), qui sera prête à lui échanger une carte de Dick Duff (wow!) contre son premier baiser (ouach!)…
Pour François Bouvier, la réalisation d’Histoires d’hiver comportait un certain nombre de défis. «D’abord il nous fallait, Marc et moi, construire une intrigue à partir d’un roman qui n’avait pas de trame dramatique ou de vrais personnages. L’oncle Maurice, le prof d’anglais ou la maîtresse d’école n’existaient pas dans le livre, ou étaient à peine esquissés. Il fallait donc les étoffer ou les créer de toutes pièces.» Deuxième défi: «Trouver le ton juste pour raconter cette histoire-là, avec des personnages quand même assez typés. Ce n’était pas toujours facile, parce qu’on a souvent tendance à se dire que si un personnage est "ordinaire", il va lui manquer quelque chose. Je voulais donc dépasser un peu la réalité, mais sans que ce soit trop caricatural. Bref, raconter une histoire simple, avec du monde ordinaire, mais le faire de la manière la plus intéressante possible.» Troisième défi: «Essayer de rendre les choses intéressantes en travaillant le plus insidieusement possible (rires). Je voulais que chaque scène parle de plusieurs choses en même temps, et fonctionne à plusieurs niveaux. Chaque scène était donc construite autour d’un petit "mystère"; quelque chose que j’amenais et que je développais par rapport au récit, tout en essayant de nourrir en même temps l’histoire principale.» Un puzzle passablement complexe que Bouvier et Robitaille attaquèrent en s’inspirant de films comme Stand By Me («même si c’est dans un registre complètement différent»), et de séries comme The Wonder Years («une émission que j’aimais beaucoup, mais contre laquelle on luttait»).
Touché!
Doté d’un budget de 3,1 millions de dollars, et tourné en 34 jours étalés sur trois périodes (afin de mieux capturer le passage des saisons nécessaires au scénario), Histoires d’hiver est finalement une chronique classique, imparfaite mais attachante, qui finit par séduire et émouvoir malgré plusieurs défauts. Une reconstitution d’époque adéquate, mais sans plus, qui n’a pas la puissance évocatrice espérée, et qui accumule quelques faux pas étonnants (difficile de ne pas tiquer en entendant Paul Houde commenter les parties du Canadien lorsqu’on a grandi avec René Lecavalier): de jeunes acteurs qui n’ont pas toujours le naturel nécessaire pour rendre leur personnage vraiment crédible ou mémorable; une tendance regrettable au cliché, en particulier dans le cas du personnage de Ron, le professeur d’anglais soixante-huitard, qui frôle dangereusement la caricature; et une certaine fadeur dans le traitement visuel et la mise en scène.
Des défauts qui sont toutefois plus que compensés par la force d’un scénario solide et efficace, qui entremêle habilement un grand nombre d’intrigues et de personnages; par la justesse du jeu de Denis Bouchard, qui trouve ici l’un de ses rôles les plus émouvants depuis Les Matins infidèles; par la très belle musique de Michel Rivard, dont la tendre mélancolie rejoint parfaitement l’univers du réalisateur; et surtout, par l’émotion que le film parvient à susciter, lentement, mais sûrement, en nouant et en dénouant les fils d’une histoire dont la conclusion s’avère des plus touchantes. Bref, le genre de film qui ne réinvente pas la roue, mais qui sait très bien la faire tourner.
Du coup, on comprend que Bouvier présente son prochain projet (Gypsies, une série télévisée de dix heures sur le monde des forains qui font le tour des centres commerciaux) en nous parlant d’abord de la richesse de son histoire et de ses personnages. Car Histoires d’hiver prouve encore une fois que François Bouvier est d’abord un vrai conteur d’histoires. Un conteur – comme Maurice, l’oncle du héros de son dernier film – qui sait que les plus belles histoires sont souvent les plus simples, et qu’en partageant celles des autres on retrouve parfois un peu la sienne.
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