Lock, Stock and Two Smoking Barrels : Vol de reconnaissance
Imaginez un croisement entre Reservoir Dogs et Trainspotting, filmé dans un style qui évoque à la fois Scorsese, Lester et Leone, et vous aurez une petite idée de l’interminable défilé d’emprunts et de clins d’oils que donne à voir Lock, Stock and Two Smoking Barrels – un petit polar malin, nerveux et excentrique réalisé avec beaucoup de panache (mais peu d’imagination) par Guy Ritchie, qui, à la surprise générale, est l’un des plus grands succès de l’année, en Grande-Bretagne.
Énième triomphe du style (ou du moins de son apparence) sur un scénario pour le moins rachitique, Lock, Stock… raconte l’histoire d’un gang de jeunes truands (dont Jason Flemyng, le violoniste anglais du Violon rouge) qui perdent une fortune aux mains d’un mafieu sans pitié, lors d’une partie de cartes truquée, et qui organisent un vol chez leurs voisins (des trafiquants de drogues) afin de se procurer l’argent pour le rembourser.
Mais l’essentiel, on l’aura compris, est ailleurs: dans la surenchère d’effets tape-à-l’oil (empruntés à Scorsese, par l’entremise de Danny Boyle) pour donner le plus de panache possible à cette histoire archiclassique; dans le ton (celui de la BD ultra-violente à la Dobermann) sur lequel Ritchie filme ses nombreux vols et bagarres; et dans l’humour (qui évoque souvent les films de Leone) avec lequel il narre les multiples revirements de situations qui viennent chambouler les plans débiles de ses nombreux protagonistes.
Si le résultat est rarement ennuyant (le film bouge tout le temps, et souvent de manière jouissive), il est aussi rarement original ou vraiment intéressant. Les emprunts sont si nombreux et flagrants qu’ils nous empêchent constamment d’embarquer dans le film; les revirements de l’action sont si gratuits et systématiques qu’ils perdent rapidement leur effet de surprise; et le ton est si délirant et parodique que l’on ne peut jamais rien prendre au sérieux, pas même les menaces, pourtant bien réelles, qui pèsent sur la tête de nos protagonistes.
Souvent amusant et toujours léger (ce qui l’empêche d’être vraiment énervant), Lock, Stock and Two Smoking Barrels est de ces films qui incarnent parfaitement le vide de leur époque: un assemblage d’exercices de style creux, tout en emprunts et en morceaux de bravoure stériles; une succession de scènes qui se veulent éblouissantes, mais qui finissent par nous lasser à force de tourner en rond; un film dont les influences sont si flagrantes qu’elles viennent constamment s’interposer entre nous et l’écran.
Coproduit par Trudie Styler (dont l’époux, Sting, interprète ici un rôle secondaire), Lock, Stock and Two Smoking Barrels est un film qui laisse donc un goût étrangement amer. Non pas parce qu’il est raté – Ritchie semble avoir réussi exactement ce qu’il voulait faire – ou ennuyant (on s’y amuse parfois beaucoup), mais parce qu’il déçoit, tant son impressionnante maîtrise formelle est accordée à son extraordinaire absence de contenu. Comme s’il était l’ouvre d’un cinéaste dont la virtuosité technique était entièrement mise au service de l’art de ne rien dire.
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Dès le 26 mars
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