20 Dates : Jeu de l'ego
Cinéma

20 Dates : Jeu de l’ego

Faux documentaire, vraie comédie romantique, et premier film original, puéril et nombriliste, 20 Dates, de MYLES BERKOWITZ, donne autant à se réjouir qu’à s’inquiéter…

L’arrivée du printemps est la période que les distributeurs américains choisissent généralement pour liquider leurs stocks, se débarrasser des films à problèmes, et sortir les bizarreries de tous genres, parfois originales, mais la plupart du temps embarrassantes…

C’est sans doute ce qui explique qu’entre le lancement d’un «thriller comique» sur le cannibalisme (Ravenous) et la sortie d’une énième adaptation d’une série télé des années 60 (The Mod Squad), le printemps nous amène une production aussi excentrique et inclassable que 20 Dates – un petit film amateur en forme de journal intime, assez original et rafraîchissant, bien que souvent puéril et agaçant, dont le principal mérite est de prouver qu’il est, aujourd’hui, possible pour n’importe qui (ou presque…) de réaliser un long métrage, et de le faire distribuer par un studio (ou dans ce cas-ci un «mini-studio», la Fox Searchlight).

Que raconte ce drôle de home movie, à mi-chemin entre le documentaire et la comédie romantique? Disons qu’il suit les aventures (apparemment vraies) de son réalisateur et vedette, Myles Berkowitz, un acteur et scénariste qui a décidé de régler les deux grands problèmes de sa vie (réaliser son premier film et se trouver une blonde) en réalisant un premier film où il se filme en train de se chercher une blonde. C’est simple, non?

Oui. Ça l’est d’ailleurs tellement qu’on a vite l’impression que cette drôle d’autobiographie frôle dangereusement l’arnaque. Surtout lorsque Berkowitz (un m’as-tu-vu dont le culot et la ténacité masquent mal l’égocentrisme et l’absence de charme) nous entraîne – via une production chiche de 60 000 dollars, tournée en vidéo, puis transférée sur film – à chacun des vingt rendez-vous annoncés par le titre, en nous invitant à contempler son nombril.

En route, Myles filme ses rencontres dans des restaurants avec des «candidates potentielles» (parfois filmées à leur insu, ce qui lui cause des problèmes supplémentaires); interroge ses amis afin de savoir pourquoi il n’a pas davantage de succès avec les filles (alors que les raisons de ses insuccès sont on ne peut plus évidentes); discute avec un «spécialiste en cinéma» (le professeur Robert McKee) des différences entre l’amour dans la fiction et sa réalité dans la «vraie vie»; s’engueule avec son agent (Richard Arlook), et un producteur un peu louche (Elie Samaha), qui insiste pour que sa petite amie (Tia Carrere) ait un rôle dans le film; et finit même (à son quinzième rendez-vous!) par trouver une femme capable de supporter ses névroses et son nombrilisme.

Quelle est la part de vérité dans ce drôle de documentaire, où l’on ne cesse de nous répéter que tout est vrai? Difficile à dire… Ce qui est clair, en revanche, c’est que cet ovni – qui évoque à la fois Annie Hall (par son protagoniste allénien et sa quête romantique), Roger and Me (par son montage et sa narration), Louis 19 (par sa caméra omniprésente) et America’s Funniest Home Videos (pour le ton bordélique de l’ensemble) – a les qualités et les défauts d’une ouvre artisanale qui se démarque nettement de ce que l’on voit d’habitude sur nos écrans: avec, comme qualités, un humour et un ton originaux; et, pour défauts, un manque de rigueur et un ton parfois un peu trop personnel, comme dans ces moments où le metteur en scène se moque cruellement de son ex…

Du reste, ce petit film racoleur – qui séduit autant qu’il agace, et menace de s’essouffler avant la fin de ses 88 minutes – impressionne moins pour ce qu’il est que pour ce qu’il annonce: une ère où les moyens de production seront devenus si accessibles qu’il sera théoriquement possible, pour à peu près n’importe qui, de faire un film sur à peu près n’importe quoi.

À voir ce long métrage singulier et nombriliste, qui tranche nettement sur une programmation d’une uniformité déprimante, on se dit qu’il s’agit là d’une perspective dont il y a de quoi se réjouir, mais aussi de quoi s’inquiéter…

Dès le 2 avril
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