En plein cour : Pourquoi?
Il y a des films dont on se demande vraiment pourquoi ils ont été faits. Tiré du même roman de Simenon qui inspira En cas de malheur, de Clouzot, avec Gabin, Bardot et Edwige Feuillère, En plein cour, de Pierre Jolivet, est de ceux-là.
Après avoir disculpé une jeune délinquante (Virginie Ledoyen), un grand avocat parisien (Gérard Lanvin) en tombe amoureux. Il plaque sa femme (Carole Bouquet), et emménage avec la jeune fille, mais elle revoit son ancien amant (Guillaume Canet), tête brûlée dont le faux témoignage a innocenté la coupable. Tout ça finira très mal…
Il est étrange que, 40 ans après la Nouvelle Vague, on refasse ce film emblématique d’un cinéma français qui souleva les foudres d’un critique comme Truffaut, et qui poussa celui-ci (et les autres) à dépoussiérer un 7e art hexagonal qui en avait bien besoin. Étrange aussi que ce soit Jolivet qui signe ce drame «propre sur lui», et en retard d’une génération ou deux. Le réalisateur et coscénariste de l’excellent Force majeure nous avait habitués à des films beaucoup moins ordinaires. En plein cour, c’est le film bourgeois par excellence.
Comme le dit le cinéaste, la bourgeoisie est une classe sociale comme une autre, avec ses grandeurs, ses obsessions, et ses caractéristiques; mais ici, on est loin de Chabrol, et la misère des riches demande un peu plus de distance et de conviction pour pouvoir, sinon émouvoir, du moins intéresser le spectateur. Ce triangle amoureux en Chanel et Armani semble avoir été tourné des dizaines de fois.
Bouquet dans Trop belle pour toi, Lanvin dans Le Fils préféré, ou Ledoyen dans Jeanne et le garçon formidable: ces trois acteurs peuvent être excellents, mais ici, ils n’incarnent pas des personnages mais des figures imposées qu’on a trop vues au cinéma français: la bourgeoise blessée, digne et belle, mais qui, sous son vernis cache un cour de femme (voir Michèle Morgan, Françoise Fabian, Deneuve, etc.); le quadragénaire belle bête, frappé par le démon de midi (Delon, Depardieu, Auteuil et les autres); et la minette «Quand est-ce que j’me fous à poil?!» parisienne (la liste serait trop longue…). Ajoutez à ça la bonne fidèle et compréhensive, la copine au cour d’or, et la secrétaire dévouée, et vous avez une idée du manque de mystère, d’imprévu et d’intérêt de ce film ennuyant et long.
Dès le 16 avril
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