Au revoir, mon amour! : Confit d’intérêts
Tout dans la vie demeure subjectif, surtout l’idée qu’on se fait du bien et du mal. Prenez Sandra Dunmore (Patricia Arquette), par exemple. Ce n’est pas le fait de s’envoyer en l’air avec le frère de son mari à même le plancher de l’église qui l’empêchera d’assister à l’office du dimanche. Maîtresse inspirée, capable de mettre en scène des fantasmes délirants, épouse modèle, spécialiste du dry martini et des petits hors-d’ouvre, elle n’en demeure pas moins une criminelle efficace, astucieuse et libre de toute conscience. Pourtant, on ne peut pas dire qu’elle soit vraiment méchante. Conditionnée par ses leçons d’auto-réalisation de soi et carburant à l’enchantement de La Mélodie du bonheur, elle ne cherche pas à faire le mal; tout ce qu’elle désire, c’est se faire du bien à elle-même. Elle peut donc mentir, tromper, manipuler et tuer avec désinvolture puisque ses intentions sont bonnes! C’est ainsi qu’elle devient le catalyseur d’un mélange explosif de personnages potentiellement machiavéliques: le mari alcoolo (Dermot Mulroney), l’amant contrit (Don Johnson), la naïve rivale (Mary-Louise Parker), la détective cynique (Ellen DeGeneres) et son coéquipier mormon (Alex Rocco).
Roland Joffé, qui nous avait habitués à un style totalement différent (Mission, La Cité de la joie, La Lettre écarlate), adopte ici un ton mordant qui lui sied bien et nous offre une comédie noire des plus savoureuses. Le caractère dichotomique de certaines situations, le double langage des attitudes par rapport au discours, du discours par rapport à la pensée traduisent bien l’idée générale du film, qui respire l’hypocrisie. Poussant l’ironie à son paroxysme, Joffé se plaît à opposer images et musique. Il exploite habilement contrastes et contradictions, fait ressortir la superficialité des apparences et joue sur les connotations.
Les protagonistes se retrouvent prisonniers de la vaste toile d’araignée qu’ils ont eux-mêmes tissée; plus ils se débattent pour s’en défaire, plus ils s’y agglutinent. À mesure que le jeu évolue, les cartes se mêlent, l’intrigue devient de plus en plus complexe et les rebondissements se multiplient. On ne peut s’empêcher de spéculer quant aux divers développements qu’on devine inusités et inattendus. Sans réinventer le genre, Joffé lui insuffle une certaine fraîcheur. En misant sur les clichés, les stéréotypes et le caractère excessif de ses personnages, il accentue l’effet de dérision. Certaines blagues s’avèrent faciles, mais non moins efficaces. Bien que l’ensemble affirme une certaine originalité, on ressent par moments une impression de déjà-vu.
Arquette, dans son rôle de femme fatale, et DeGeneres, en flic lucide et désabusée, font de l’excellent boulot. Les autres acteurs n’ont rien de transcendant, mais peuvent se vanter d’avoir été bien dirigés. Malgré un dénouement prévisible, ce petit conte carrément immoral nous laisse sur une note qu’on ne peut s’empêcher de trouver réjouissante; comme quoi le monde dans lequel on vit a réellement quelque chose de corrompu. On nage en pleine décadence!y
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