A Midsummer Night's Dream : Le poids des rêves
Cinéma

A Midsummer Night’s Dream : Le poids des rêves

Une adaptation très tiède du Songe d’une nuit d’été, qui ne manque pas de moyens, mais de vision. À voir pour la lumière de la Toscane, et Kevin Kline, aussi hilarant qu’émouvant.

Dans le noir de la salle, le film débute avec des lucioles tourbillonnantes qui éclairent le titre: A Midsummer Night’s Dream. On ouvre sur un banquet somptueux dans la cour d’un palais de Toscane. La musique est baroque, les marmitons s’affairent et la caméra les suit, aérienne. On embarque avec autant de légèreté dans ce film que dans l’adorable Much Ado About Nothing, de Kenneth Brannagh. Mais, rapidement, dès l’apparition des acteurs, le charme cesse. Et il ne reviendra que par bribes.
Cette pièce de Shakespeare est une des plus délicieuses et des plus connues du dramaturge. Il l’a écrite juste après Roméo et Juliette, comme un antidote au côté sombre de l’amour, décrètent les experts. De cette pièce, on a fait des musiques, des ballets, et des films, dont l’incroyable version de Max Reinhardt dans les années 30 (avec Mickey Rooney dans le rôle de Puck!). Tout le monde semble connaître Le Songe d’une nuit d’été, et tous ses admirateurs se l’approprient, défaisant le puzzle à leur guise. Mais Michael Hoffman, réalisateur du flamboyant Restoration et du mignon One Fine Day, n’a pas eu l’audace ou l’imagination pour proposer une mouture nouvelle. Il offre ici une superproduction luxueuse sans véritable souffle et, outre quelques ajouts, sans regard nouveau.

Au tournant du XXe siècle en Italie, Hermia (Anna Friel) et Lysandre (Dominic West) s’aiment, tandis qu’Helena (Calista Flockhart) aime Demetrius (Christian Bale) qui ne l’aime pas. Les quatre jeunes gens se retrouvent perdus dans une forêt magique, un soir de fuite, une nuit d’été. Le Duc (David Strathairn) et sa future (Sophie Marceau) tempèrent le courroux du père d’Hermia (Bernard Hill). Les esprits de la nuit, eux, vont s’amuser du désarroi amoureux des mortels; et, pendant que la reine Titania (Michelle Pfeiffer) se dispute avec le roi Obéron (Rupert Everett), Puck (Stanley Tucci) s’emmêle les pinceaux. Enfin, Nick Bottom (Kevin Kline) et ses amis montent avec sérieux un drame hilarant, pour le mariage du Duc.
Hoffman a confondu adaptation et aménagements: il a ajouté quelques outils nouveaux, qui, à eux seuls, ne peuvent non seulement générer une nouvelle lecture de la pièce, mais contribuent parfois à l’alourdir. On y voit, entre autres, des bicyclettes et des 78 tours, utilisés comme outils de transmission entre le monde réel et le monde magique. Pourquoi? Pour rien. On entre avec trop de précipitation dans ce monde magique, entièrement créé à Cinecitta. Si Hoffman voulait nous faire glisser de la réalité au rêve, il a mal calculé son coup: on se retrouve parachuté dans le bizarre avec rudesse. Et quel bizarre!
Le monde de la nuit est un Olympe grouillant et décadent, avec, dans un bar à fées (!), une belle collection de satyres, centaures, gorgones et nymphes rondelettes. Dans cet esprit païen et paillard, Tucci compose un Puck tout droit sorti de chez Walt Disney, plus clownesque qu’aérien, plus rigolard que malicieux. Pfeiffer campe très bien la royale lubricité, mais Everett est décidément trop mièvre pour être le fier Obéron. Parmi les mortels, on ne s’étendra pas sur Sophie Marceau, toujours belle, mais d’une nullité accablante… Les quatre amoureux sont, quant à eux, des personnages peu sympathiques, incarnés avec beaucoup d’exaltation par des acteurs très conscients de régurgiter du Shakespeare. Enfin, reste Kevin Kline, merveilleux de panache, aussi émouvant qu’hilarant, merveilleusement à l’aise. Lui seul réussit le glissement de terrain entre les deux mondes et, dans une finale époustouflante, parvient à déchaîner les rires francs d’une salle muette. À lui seul, cet éternel sous-estimé vaut le détour.

Une fois de trop, on a forcé la poésie et la magie à venir s’incruster sur pellicule. On y a mis beaucoup de talent, d’argent, d’effets spéciaux, de costumes délirants, de maquillages «tendance» et de gadgets: tout est impressionnant, mais rien n’est vraiment séduisant. Pourtant, on avait la villa d’Este, le Palais Farnèse et la lumière toscane; mais la peur d’ennuyer a encore une fois gâché le plaisir…

Dès le 14 mai
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