L’Heure de Cuba : L’heure juste
Après Tropique Nord et Haïti dans tous nos rêves, le cinéaste Jean-Daniel Lafond et la journaliste Michaëlle Jean sont allés à Cuba prendre le pouls d’un «grand petit pays» à la veille du 40e anniversaire de la révolution castriste.
Ils en ont rapporté L’Heure de Cuba, un document éclairé, intelligent, et honnête dans son refus de donner des réponses faciles à des questions complexes, et de simplifier les aspects contradictoires d’un pays à la recherche d’un second souffle.
Le point de départ: un reportage de Michaëlle Jean sur les relations canado-cubaines, rapports commerciaux et touristiques qui, depuis la visite officielle de Trudeau à Cuba, en 1976, ont peu à peu pris de l’ampleur. On y voit les dirigeants du Fonds de solidarité de la FTQ célébrer la signature d’un important contrat; on y apprend que la Sherritt, compagnie pétrolière canadienne, a investi 675 millions de dollars au pays de Fidel; on y rencontre des industriels qui veulent bien aider la révolution, à condition de faire leur beurre…
Présenté comme une lettre ouverte au chef de l’État cubain, L’Heure de Cuba lui demande s’il s’agit d’un «capitalisme à visage humain ou d’un socialisme qui fait des profits.»? Question pertinente dans un pays où les travailleurs sont payés en pesos, mais ne peuvent acheter qu’en dollars. Entre la langue de bois des ministres interviewés et le mutisme des gens de la rue – de l’enseignante à l’infirmière, en passant par le prêtre vaudou et l’économiste – , se dessine un pays dont les habitants sont coincés entre le passé et l’avenir.
Pourtant, Lafond et Jean (née avec la révolution, en Haïti, île voisine) ne condamnent pas hâtivement un régime qui, pour bien des pays des Caraïbes et d’Amérique, fut un modèle à suivre. Étouffé par l’embargo américain, affaibli par la glasnost, espérant évoluer sans perdre ses acquis, Cuba redoute de n’être, après la mort de Castro, qu’une autre destination soleil où la misère serait maquillée pour ne pas effrayer les touristes qui la font vivre. Certains pensent que le royaume du cigare en est déjà là…
Produit par InformAction qui, depuis 1971, s’occupe de films d’auteur à saveur socio-politique (Mystère B., Haïti dans tous nos rêves, Visionnaires), L’Heure de Cuba n’évite pas les problèmes posés par la misère, la prostitution, la corruption et, surtout, la censure; mais, à mi-chemin entre l’observateur étranger et un regard de l’intérieur, ce film empathique et lucide constitue un excellent point de départ pour qui veut en savoir plus long. Les projections seront d’ailleurs suivies de débats en présence de Jean-Daniel Lafond et de Michaëlle Jean.
Au Cinéma ONF
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