Lautrec-Roger Planchon : Mise en images
Cinéma

Lautrec-Roger Planchon : Mise en images

Bien qu’elles s’avèrent être, la plupart du temps, de «fausses bonnes idées», les biographies d’artistes ont toujours été populaires auprès des cinéastes, entre autres celles des peintres, pour peu qu’ils aient été «maudits» de leur vivant et très chers aujourd’hui – voir Van Gogh et Gauguin.

45 ans après Moulin-Rouge, biographie sage de John Huston, Roger Planchon a donc retracé la vie fabuleuse de celui qu’on surnommait, dans les bordels de Paris, «la théière», parce qu’il avait, paraît-il, le sexe aussi long que lui-même était court sur pattes, victime d’une malformation des os des jambes.

Aristocrates d’Albi, ses parents étaient cousins germains; le père (Claude Rich), libertin entretenant des maîtresses à Paris, la mère (Anémone), dévouée et dévote. Très tôt, Henri (Régis Royer) sait qu’il est peintre: il monte à Paris, et rencontre Degas, Van Gogh, Bonnard, puis Oscar Wilde, Jarry, Jules Renard, Mallarmé. Il a une liaison orageuse avec la peintre Suzanne Valadon (Elsa Zilberstein), mère d’Utrillo; il peint énormément; il fréquente les bordels et le Moulin-Rouge, et immortalise Bruant, Jane Avril, La Goulue, etc. Lautrec meurt en 1901, à 36 ans, la même année que Zola.

Successeur de Jean Vilar à la tête du TNP, depuis 27 ans; metteur en scène de théâtre célébré depuis plus de 40 ans, Roger Planchon est un «jeune» cinéaste sexagénaire (Dandin et Louis enfant-roi), qui espère s’améliorer avec le temps – «Si Dieu me prête vie; et les producteurs, un peu d’argent!». Est-ce son admiration pour Lautrec qui, cette fois-ci, l’a aveuglé? «Des gens comme Lautrec ont changé notre vision du monde, assure le cinéaste, rencontré à Paris en janvier dernier. Pour moi, il est aussi fondamental que Galilée.» Si l’enthousiasme du cinéaste est évident, il l’est moins dans son film, honnête, mais académique et sage.

Avec application, Lautrec tente de rendre compte d’une vie pleine à ras bords, d’une nature hors du commun. Ce fut la principale difficulté du cinéaste – également comédien, scénariste et dialoguiste – , que l’écriture terrorise. «L’écriture, c’est un combat contre sa propre médiocrité; c’est l’angoisse absolue. Le bonheur total, c’est d’être acteur; et, entre les deux, il y a ce que je fais le plus clair de mon temps: la mise en scène.»

Somptueusement mis en images, Lautrec est une succession de passages obligés dans la vie de l’artiste, une suite de vignettes sur la vie artistique du Paris de la fin du XIXe. «Il a fallu beaucoup éliminer et condenser, explique le cinéaste. Lautrec a fait énormément de choses: il ne dormait presque jamais, il peignait dix heures par jour, il a vécu à cent à l’heure.» Dommage qu’on ne sente pas cette fougue, cet appétit dans un film dont le seul aspect inédit est le portrait de la relation de Lautrec avec ses parents, plus riche et plus complexe qu’à l’accoutumée.

Les comédiens ne sont pas en cause: doté d’une ressemblance étonnante avec Lautrec, Régis Royer se tire fort bien d’affaire, mais le subterfuge employé pour faire de lui un nabot distrait de l’histoire; et Claude Rich est savoureux. Par contre, Anémone est un peu fade, et Elsa Zilberstein détonne avec un jeu très «Actor’s Studio».

«Je voulais montrer le regard moderne de Lautrec sur les gens qu’il a côtoyés, et le milieu dans lequel il a grandi», confie Roger Planchon. Dommage que la même modernité ne se retrouve pas dans la vision d’un homme d’images du XXe siècle.

Dès le 28 mai
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