Astérix & Obélix contre César : Village global
Avec des moyens colossaux (pour la France) et la ténacité du producteur CLAUDE BERRI, Astérix et Obélix atterrissent enfin au cinéma. Débarquement réussi pour ce grand film populaire qui met en vedette un Depardieu formidable.
Difficile de rester objectif quand on regarde un film inspiré d’une bande dessinée qui a marqué l’enfance de millions d’enfants; quand on voit des acteurs incarner des personnages qui «font partie de la famille»; quand on cherche, à la fois, la reconnaissance et la découverte.
Projet monumental par son budget d’une bonne cinquantaine de millions de dollars, et par son ambition (celle de recréer une histoire typiquement française avec des moyens qu’on associe, en général, à Hollywood), Astérix & Obélix contre César remplit-il son mandat de «grand film populaire»? Oui, dans la mesure où Claude Zidi et son équipe ont su garder l’esprit et la lettre des héros de Goscinny et d’Uderzo, avec la réserve que chaque spectateur a déjà «son» Astérix en tête, bien avant de s’installer devant l’écran…
Même si, de son vivant, René Goscinny était farouchement opposé au projet, Claude Berri rêvait d’un Astérix en chair et en os depuis plus de six ans. Il était inévitable que le producteur (et réalisateur de Jean de Florette et de Germinal) s’intéresse aux aventures des deux Gaulois. Mélange de mythe contemporain et de divertissement grand public, succès aussi phénoménal que durable (avec 280 millions d’albums vendus en 40 ans),
Astérix, c’est de l’or en barre pour un grand film populaire. Tous les ingrédients de base étaient déjà là: des personnages connus et aimés de tous, très typés physiquement, avec leurs manies, leurs lubies, leurs répliques; un matériau de base riche, composé des histoires qu’on retrouve dans les 30 albums publiés jusqu’ici; un univers, avec ses c0des, ses règles, ses thèmes et ses couleurs; et, en plus, une identification immédiate qui tient autant de l’affection pour des valeurs françaises ancestrales (l’Histoire, la bouffe et le vin, la fierté nationale, le goût pour la discussion corsée et l’attachement au passé) qu’à une réaction viscérale à «l’envahisseur» auquel «un petit village résiste encore…».
L’intrigue principale met donc en scène Astérix (Christian Clavier) et Obélix (Gérard Depardieu), qui partent délivrer Panoramix (Claude Piéplu), enlevé par Detritus (Roberto Benigni), un général romain ambitieux et fourbe, qui veut avoir le secret de la potion magique pour renverser César (Gottfried John). À cette histoire centrale se greffe celle d’un devin pas net (Daniel Prévost), qui profite de la naïveté des gens du village d’Abraracourcix (Michel Galabru), et de celle d’Obélix qui perd l’appétit, et qui a des pâquerettes dans la tête dès qu’il pose les yeux sur Falbala (Laetitia Casta).
Lorsqu’elle a visité le village gaulois, au studio de la Ferté-Alais (le plus grand d’Europe), Anne Goscinny, fille de René, a dit avoir eu l’impression d’être «Mary Poppins qui saute à pieds joints dans le dessin du trottoir». L’image est jolie et très juste, tant Tony Pierce-Roberts, aux images, Jean Rabasse, aux décors, et Sylvie Gautrelet, aux costumes, ont su créer l’endroit à mi-chemin entre fantaisie et réalisme. L’histoire, par contre, manque un peu de surprises et d’originalité (comme si Zidi avait écrit le premier épisode d’une série qui, sans doute, ne verra jamais le jour), et on s’ennuie des clins d’oil politiques chers à Goscinny. Par contre, c’est rythmé sans tomber dans le montage épileptique des Visiteurs 2, et il y a quelques scènes d’anthologie, dont la séquence finale avec un éléphant, deux lions, quelques serpents, des dizaines de crocodiles et des centaines de mygales. Alouette!
Une des plus grandes réussites de Berri, c’est le casting: des gueules des villageois gaulois à celle de Jean-Pierre Castaldi en Caïus Bonus, de Pierre Palmade en Assurancetourix (chantant: «J’aurais voulu être un artiiiiiiiiste!») à Hardy Krüger Jr. en fiancé musclé de Falbala, en passant par Sim, taillé sur mesure pour jouer Agecanonix. Seul personnage inventé, Mathusalix (Jean-Yves Thual), l’arrière-grand-père de Panoramix, ne convainc pas tout à fait: on croirait voir le père Fouettard de Ford Boyard!
Ça ne sera une révélation pour personne: à l’instar des albums dont il est tiré (et 95 % des bandes dessinées pour enfants – Tintin, Lucky Luke, etc.), Astérix & Obélix contre César est une histoire de gars. Laetitia Casta (la frenchy Pamela Anderson) promène sa devanture trois minutes et quart; Arielle Dombasle ondule le temps de bichonner son «Agecanonichou»; et Bonemine (Mariane Sägebrecht, doublée par Andrea Ferréol) reste aux cuisines. Pendant ce temps-là, Astérix et Obélix sont inséparables et vivent ensemble, Abraracourcix n’a pas d’enfants, et César est gardé par des culturistes huilés – quant à Assurancetourix…
En ignoble conspirateur, Benigni (qui se double lui-même en français) est hilarant; Clavier est en terrain connu avec son Astérix teigneux et speedé; et les vieux routards Galabru et Piéplu sont parfaits. Reste Gégé. C’est peu de dire que Depardieu était fait pour incarner Obélix, autant physiquement que symboliquement, avec son statut d’unique vedette internationale masculine française. Celui qui rêve toujours d’incarner Vercingétorix prête admirablement sa stature et sa fragilité au héros «un peu enveloppé»; au point qu’en sortant de la salle, Obélix est devenu Depardieu, comme Superman est synonyme de Christopher Reeves ou le Joker, de Nicholson.
En passe de remplacer la Marianne républicaine, le comédien le plus polyvalent de Gaule donne son centre de gravité à un film qui accorde ses lettres de noblesse au «cinoche».
Dès le 4 juin
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