Elvis Gratton II : Miracle à Memphis
Cinéma

Elvis Gratton II : Miracle à Memphis

Y a-t-il un personnage et un phénomène plus représentatifs et plus révélateurs des paradoxes de l’âme québécoise qu’Elvis Gratton? Peut-être, mais on peut en douter tant ce personnage (créé par Pierre Falardeau et Julien Poulin, au lendemain du premier échec référendaire) a successivement reflété, embrassé et presque annoncé l’évolution (si l’on peut dire…) du peuple québécois. Mais depuis Elvis Gratton (1981), les «Elvis» (grands et petits) se sont multipliés à tel point que ce qui semblait jadis caricatural a presque l’air factuel aujourd’hui. Souvenez-vous de Daniel Johnson chantant Hound Dog au Poing J…

Il n’est donc pas étonnant que le King – le seul, le vrai, l’unique – ait décidé de revenir des morts, le temps d’Elvis Gratton II: Miracle à Memphis, dans lequel un producteur américain en fait une star internationale, et où Gratton achète la Ronde et la rebaptise Grattonland! Quoi de mieux pour fêter le «Elvis» qui sommeille en chaque Québécois? Le roi est mort? Vive le King! Sortie prévue: le 1er juillet (Canada Day, of course!). (G. Privet)

Eyes Wide Shut
Après douze ans d’absence, Stanley Kubrick, l’auteur de Docteur Folamour, de 2001: L’Odyssée de l’espace et d’Orange mécanique, préparait son retour avec Eyes Wide Shut, quand sa mort – le 7 mars dernier, à l’âge de 70 ans, quatre jours après avoir mis la dernière main à ce film dont il rêvait depuis plus de 30 ans! – a élevé cet événement cinématographique au statut d’ouvre testamentaire.

C’est dire l’attente qui entoure la sortie de cette adaptation libre (et mystérieuse) du superbe Traumnovelle, d’Arthur Schnitzler, dans laquelle Tom Cruise et Nicole Kidman jouent un couple dont les vies réelles et rêvées s’entremêlent au fil d’un chassé-croisé psychologique et sexuel. Malgré des tonnes de rumeurs , on n’en sait toutefois guère plus sur ce film tourné pendant plus de 15 mois, et dans le plus grand secret, sinon qu’il ramène Kubrick à deux sujets (la jalousie et l’obsession sexuelle) auxquels il s’était promis de retourner depuis ses problèmes avec les censeurs lors de la sortie de Lolita. Nous aura-t-il laissé un pétard mouillé ou une bombe psycho-sexuelle? Réponse le 16 juillet. (G. Privet)

Besieged
Après le faste de sa trilogie exotique (Le Dernier Empereur, Un thé au Sahara, Little Buddha), Bernardo Bertolucci revient à ses premières amours avec ce film intimiste à petit budget (autour de quatre millions de dollars), tourné en peu de temps, à Rome, pour la télévision italienne.

David Thewlis (Naked) y incarne un pianiste anglais solitaire, qui héberge – en échange de travaux ménagers – une jeune infirmière africaine (Thandie Newton), fuyant la dictature qui a emprisonné son mari. Ce mince argument (tiré d’une nouvelle de James Lasdun) a apparemment inspiré à Bertolucci un film en silences, en retenue et en nuances, sur deux êtres éloignés par leurs origines mais aussi réunis par leur isolement. Est-ce que ce sera l’occasion, pour le réalisateur de 1900, de nous convier à une sorte de «Dernier Tango à Rome»? Peut-être, mais, pour nous, ce sera celle de renouer avec un cinéaste qui semble avoir retrouvé la modestie, la liberté et la poésie qui faisaient la force de ses premiers films. Le 18 juin. (G. Privet)

Chat noir, chat blanc
Voici qu’après avoir annoncé sa retraite des plateaux de cinéma, suite à la controverse déclenchée par la Palme d’or que le jury de Cannes lui décerna pour Underground, Emir Kusturica revient avec une comédie qui mêle la musique tzigane, la démesure fellinienne et l’humour noir du réalisateur du Temps des gitans.

Rivaux depuis toujours, deux patriarches – le roi du dépotoir du coin, et le boss de la cimenterie locale – mêlent leurs familles en arrangeant un mariage de raison entre leurs deux enfants. Des cochons en train de manger une voiture (!) et des vols d’oies, poursuites endiablées et beuveries hilarantes, quiproquos et coups bas, fausses morts et vraies fêtes: c’est Hellzapoppin sur les bords du Danube. Une bonne occasion de voir autre chose des Balkans que ce que Le Téléjournal veut bien nous montrer… Le 11 juin (É. Fourlanty)

Buena Vista Social Club
Il était une fois un guitariste américain (Ry Cooder) qui réunit une dizaine de musiciens cubains, entre 50 et 92 ans, pour un disque intimiste qui, en bout de ligne, se vendit à des millions d’exemplaires dans le monde. Le beau voyage de Compay Segundo, Ibrahim Ferrer, Ruben Gonzales et les autres se poursuivit sur les scènes d’Europe et d’Amérique du Nord.

C’est cette belle histoire qu’a filmée Wim Wenders, dans ce long métrage (tourné en vidéo) où les verts grands pères racontent leurs vies (pas toujours roses) avec le sourire, jouent et chantent avec un bonheur évident, et tripent sur scène comme si c’était la première fois. Pas de politique, pas de propos «à la Wenders» dans ce film chaud et cool que le cinéaste allemand a probablement fait par amitié pour Ry Cooder, compositeur de la trame sonore de Paris, Texas. Le 25 juin. (É. Fourlanty)