Cinéma

Cours, Lola, cours : Course circuit

Lola (Franka Potente) a vingt minutes pour trouver 100 000 marks, ou son pauvre Jules (Moritz Bleibtreu) va se faire zigouiller…

Pourquoi? Peu importe, car ce qui intéresse Tom Tykwer, le jeune (35 ans) réalisateur de Cours, Lola, cours (son troisième long métrage), c’est le plaisir qu’il prend à filmer la course de Lola. Une course effrénée dont il nous offre d’ailleurs trois versions différentes, variant selon les choix que fait (ou ne fait pas) son héroïne: une où Lola court demander les 100 000 marks à son père; une où elle court les chercher ailleurs; et une où son Jules se met à courir lui aussi.

Cours, Lola, cours est donc – on l’aura compris – un pur exercice de style, mais un exercice de style déguisé (de façon assez ostensible, d’ailleurs) en une réflexion philosophique: un film qui a un pied dans le cinéma pavlovien à la Besson et Cie (Subway, Trainspotting, Dobermann); et l’autre dans celui de la méditation sur le hasard et le destin (comme L’Ironie du sort, un film méconnu d’Édouard Molinaro, inspiré d’un roman de Paul Guimard, mais aussi comme le Smoking/No Smoking, de Resnais, et le récent Sliding Doors). Bref, un curieux mélange (comme si Nikita débarquait dans Le Hasard, de Kieslowski), qui n’est toutefois pas déplaisant pour autant.

Pour peu qu’on oublie ses prétentions philosophiques, Cours, Lola, cours est un divertissement plutôt prenant et agréable: l’exemple parfait du film qui n’a pas inventé la roue, mais qui sait la faire tourner vite, et de façon parfois inspirée, comme dans ces montages éclairs qui nous racontent, en quelques flashs photographiques, ce qui arrivera – parfois des années plus tard! – à certains des quidams qui croisent brièvement le parcours de Lola.

Déployant toutes les techniques du cinéma (de l’accéléré au ralenti, en passant par l’arrêt sur l’image et le split screen), Tykwer a réalisé un film aux airs de machine perpétuelle, qui court comme un furet, et tourne comme une toupie: les images, de Frank Griebe, entremêlent le 35 mm et la vidéo, la couleur et le noir et blanc; et la musique (composée par Tykwer, Johnny Klimek et Reinhold Heil) passe de la transe-techno au rap, et de la pop électronique au breakbeat.

Ajoutez de nombreux effets visuels numériques, quelques passages dramatiques habilement illustrés par le biais de dessins animés (!), et un montage (signé Mathilde Bonnefoy) qui est l’équivalent visuel d’un massage cardiaque, et vous avez un film si dynamique et coloré qu’il est facile de ne pas se rendre compte qu’il ne va finalement nulle part – et qu’il y va même trois fois!

En fait, la seule chose substantielle que le film de Tykwer donne à voir, c’est précisément son plaisir de jouer avec les possibilités du cinéma; de découper à volonté le temps et l’espace; de ralentir ou d’accélérer un mouvement; d’animer ou de figer l’image – irrésistiblement (et mystérieusement) cinématographique – d’une femme qui court pendant 80 minutes. C’est déjà pas mal, même si cela ne suffit pas vraiment à nous faire oublier que si Lola court vite, elle tourne finalement toujours en rond…

Dès le 11 juin
Voir calendrier
Cinéma exclusivités