The Hole : Nouvelle vague
Produit dans le cadre de la même série de films sur l’an 2000 qui nous a donné Last Night de Don McKellar, The Hole, de Tsai Ming-liang, nous présente un avenir qui n’est plus la chose fabuleuse dont on pouvait rêver jadis, mais plutôt un cauchemar gris dans lequel nous pataugeons déjà.
Je dis bien «pataugeons», car il est beaucoup question d’eau, d’inondations et de fin du monde dans The Hole – une petite fable minimaliste, poétique (et extrêmement humide!), sur la difficulté d’établir quelque rapport que ce soit dans un monde qui suinte, qui craque et qui fuit littéralement de toutes parts…
Nous sommes à Taiwan, à quelques jours de l’an 2000, et la ville – en proie à un mystérieux virus dont les victimes commencent à se prendre pour des cafards! – est noyée sous une pluie polluée, qui tombe 24 heures sur 24. Dans un HLM presque abandonné, une jeune secrétaire (Yang Kuei-mei) découvre une fuite d’eau provenant de la cuisine de son voisin du dessus (Lee Kang-sheng). Très vite, la fuite se transforme en un trou à travers lequel les voisins s’épient mutuellement, sans toutefois jamais oser communiquer directement. Entre deux scènes de rêve (où la secrétaire s’imagine en reine de music-hall, chantant les vieux tubes de Grace Chang), les deux voisins tentent d’échapper à la grisaille ambiante et de s’apprivoiser mutuellement, pendant que dehors, sous la pluie battante, le mystérieux virus se rapproche lentement mais sûrement…
Ceux qui ont vu les trois premiers longs métrages de Tsai Ming-liang (Les Rebelles du dieu néon, Vive l’amour!, La Rivière) savent que ce cinéaste taiwanais (né en Malaisie, il y a 42 ans) a toujours été intéressé par l’incommunicabilité et la solitude urbaine. Dans The Hole (qui a inexplicablement gardé son titre anglais, même s’il est coproduit par la France et présenté avec des sous-titres français), le cinéaste aborde toutefois ces thèmes à travers une ouvre simultanément plus dépouillée et plus accessible que jamais: une sorte de film d’anticipation des émotions, résolument sombre, mais ultimement tonique; un film sur la mort des rapports humains, chaleureux et émouvant; un film expérimental sur la fin du siècle, avec un pied dans les musicals des années 50 et l’autre dans l’esthétique pure et dure du nouveau cinéma taiwanais.
De fait, cette fable minimaliste est un petit triomphe d’originalité et d’invention qui tire – à la manière d’un Chaplin, d’un Polanski ou d’un Kafka (artistes que le film évoque d’ailleurs occasionnellement) – le maximum d’effets en employant un minimum d’éléments: une pluie torrentielle, un immeuble abandonné, deux personnages et un trou…
Certes, le film accuse quelques baisse de tensions (sans doute imputables au fait que cette oeuvre de 90 minutes a dû être construite de façon à donner aussi matière à un téléfilm d’une heure). Mais ces relâchements ne gâchent pas sérieusement l’ambiance singulière, la poésie discrète et le dénouement magique d’un film insolite, qui saisit merveilleusement bien les craintes, espoirs et paradoxes qui entourent l’arrivée de l’an 2000. Bref, une ouvre qui est intéressante parce qu’elle capte, dans son contenu, le climat de notre époque, mais, en même temps, parce qu’elle annonce également, sur le plan formel, l’arrivée d’une autre…
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