Summer of Sam : L'été meurtrier
Cinéma

Summer of Sam : L’été meurtrier

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Summer of Sam, le treizième long métrage de Spike Lee, n’est pas essentiellement (ni même principalement) un film sur David Berkowitz – le célèbre tueur en série (surnommé «Son of Sam» par les médias new-yorkais), qui terrorisa plusieurs quartiers du Bronx durant l’été 1977.

En fait, le film de Spike Lee s’intéresse moins aux crimes de Berkowitz (qui tua six personnes et en blessa sept autres) qu’à ce que ces crimes éveillèrent dans la population new-yorkaise: un mélange d’angoisse, de paranoïa, de haine et de racisme, qui explose dans ce qui est sans doute l’ouvre de Spike Lee la plus audacieuse depuis Do the Right Thing (un film que Summer of Sam évoque d’ailleurs par ses nombreuses histoires entrecroisées, son portrait d’un New York en pleine canicule, et son montage unissant plusieurs intrigues parallèles culminant lors d’une nuit de violence gratuite).

David Berkowitz (Michael Badalucco) n’est donc pas le personnage principal, mais plutôt le révélateur des troubles qui hantent les protagonistes du film: Vinny (John Leguizamo), un petit coiffeur perpétuellement en chaleur et infidèle à sa femme (Mira Sorvino), dont les obsessions sexuelles et religieuses font étrangement écho à celles de Berkowitz; un détective italien (Anthony LaPaglia) qui tente de convaincre un «Parrain» de quartier (Ben Gazarra) d’utiliser ses hommes pour l’aider à capturer le tueur en série; et une bande de petits truands (Michael Rispoli, Saverio Guerra, Brian Tarantino), persuadés que le tueur est l’un de leurs vieux amis (Adrien Brody), devenu punk…

Ajoutez une vague de chaleur mémorable, une panne d’électricité historique et la frénésie qui entoura cette année-là les séries mondiales, et vous avez un cocktail dangereux dont Spike Lee filme l’explosion avec une maîtrise formelle impressionnante; composant un véritable kaléidoscope d’images (superbement éclairées par Ellen Kuras), d’ambiances (la reconstitution d’époque de Thérèse DePrez est magistrale), et de musiques (rien n’y manque, d’Abba à Frank Sinatra en passant par The Who et Barry White), doublé d’une méditation étonnante sur la paranoïa, les apparences et la mentalité de clan (que ce clan soit sexuel, familial, criminel ou racial). Seule lacune (mais elle est de taille): l’éparpillement narratif du scénario de Victor Colicchio, Michael Imperioli et Spike Lee, dont les complications semblent parfois excessivement nombreuses, confuses et gratuites.

Portrait éclaté (et formellement éclatant) d’un monstre, d’une ville et de leurs démons, Summer of Sam est aussi – et cela n’a rien de contradictoire – une étrange ode à New York (le film s’ouvre et se clôt sur les propos de Jimmy Breslin, le légendaire chroniqueur new-yorkais auquel Berkowitz adressa plusieurs de ses lettres). Pour Spike Lee, Berkowitz est un fou, certes, mais un fou parmi beaucoup d’autres dans une ville qui en fabrique des tonnes. Avec Summer of Sam, il capture la folie d’un été où New York fut le terrain d’un jeu de maniaque, en filmant la fièvre d’une ville qui résonne comme l’écho de ses cauchemars: une ville – magnifique et détestable (comme le dit Jimmy Breslin) -, qui semble naturellement vivre au rythme des fantasmes d’un tueur en série…

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