Un soir après la guerre : L'amour à mort
Cinéma

Un soir après la guerre : L’amour à mort

Les premiers plans d’Un soir après la guerre illustrent aussi bien le rythme que l’idée de ce film. Un long train de marchandises roule à travers la campagne cambodgienne. Sur quelques wagons ouverts s’entassent paysans et soldats. Les visages sont las, vidés de tout éclat. Ils attendent la promesse d’un bonheur neuf, ils vont à Phnom Penh. Des êtres errants qui ne savent plus comment attraper la vie. En 1992, Sihanouk est redevenu roi du Cambodge, mais son pays était épuisé par 30 ans de guerre. Rithy Panh (Les Gens de la rizière), fait partie de cette génération sacrifiée, qui est née et vécu, dans la terreur. Interné à onze ans dans les camps de rééducation des Khmers rouges, il s’enfuit. En 1980, il débarque à Paris, fait l’IDHEC, et présente, en 94, Les Gens de la rizière, en compétition à Cannes, tout comme Un soir après la guerre, l’an dernier.

Ce film, bien proche de la réalité, reste un drame sentimental comme en voit tant. Une écriture sérieuse et attentive, une mise en scène classique qui pose les bases de la tragédie dès le départ. En août 92, Savannah (Narith Roeun) revient à Phnom Penh. Il n’a connu que la guerre, qui lui a pris toute sa famille, sauf un oncle. Il rencontre un soir une hôtesse de dancing, Srey Poeuv (Chea Lyda Chan). La jeune femme n’a pas envie de vivre, et lui ne veut plus rien savoir de la mort: l’amour est fort, mais la partie est jouée d’avance.

Le personnage le plus fascinant, c’est Phnom Penh. Oubliée du reste du monde, cette ville n’est plus qu’une gigantesque Cour des Miracles, vers laquelle tout le monde converge. Capitalisme sauvage, absence de structure étatique, population à la dérive: on suit la caméra de Panh dans le désordre humain des rues de cette cité-poubelle. Le cinéaste ne fait preuve ni d’imagination ni d’originalité: il montre son drame avec un recul respecteux; il filme la ville à plat, sans chercher à la déformer, adoptant un regard documentariste, qui éclaire froidement ce dénuement total de l’humain. Parfois, l’émotion, filmée avec finesse, rattrape tout ce désespoir étalé; mais, trop souvent, la mise en scène, comme les choix scénaristiques, tombe dans le cliché. Pourtant le cynisme n’est pas de mise, et on reste abasourdi devant cette autre preuve de la bêtise humaine. C’est clair, Rithy Panh travaille pour son propre apaisement, mais aussi pour que perdure la mémoire vive de son pays.

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