Beefcake : De l’art ou du cochon?
Bien que radicalement différents, les deux premiers films de Thom Fitzgerald, The Hanging Garden et Beefcake, partagent un même goût pour les mélanges de tons et de genres. Si, dans le premier long métrage, le cinéaste d’Halifax racontait, avec finesse et humour noir, le retour d’un gai dans sa famille, il mêle ici le documentaire et la fiction pour retracer l’histoire de Physique Pictorial, qui, en prônant le culturisme, la santé et le plein air, publia, à la fin des années 50, des photos d’hommes nus (ou presque) déguisés en cow-boys, en légionnaires romains ou en marins. À une époque où montrer un pénis était interdit, illégal et puni, Physique Pictorial détourna la question en affublant ses modèles d’un pouch, carré de tissu faisant office de feuille de vigne, et devint, en quelque sorte, la première revue gaie.
Parti avec l’idée de faire un film sur la naïveté sexuelle des années 50, Fitzgerald s’attacha à Bob Mizer, fondateur de Physique Pictorial, photographe infatigable (100 000 clichés, et un million de négatifs conservés!), et personnalité double chez qui une façade respectable (sa mère supervisait ses activités légales) cachait des activités de proxénète. Mort en 1992, Mizer disparut de la vie publique à la suite de son arrestation, et son magazine ne survécut pas à la libéralisation des mours.
Beefcake amuse et divertit (le montage est habile, les images d’archives sont utilisées de façon ingénieuse), mais nous laisse sur notre faim. En effet, Fitzgerald a voulu faire trois films en un: le portrait de Bob Mizer, un homme complexe et fascinant; un documentaire sur les témoins de cette époque (comme Jack LaLanne, le «père» du culturisme, le photographe Dave Martin, ou Joe D’Allessandro, alors modèle à peine majeur); et un film de fiction qui raconte comment Neil, un p’tit gars de Nouvelle-Écosse (Josh Pearce), devient modèle pour Mizer, puis le procès de celui-ci.
Comme c’est souvent le cas dans les docudrames, la fiction semble bien pâle face à la réalité. On se fout un peu de ce qui arrive au beau Neil ou à son employeur, et aucune scène fictive ne peut rivaliser avec la candeur (vraie ou fausse), le kitsch et l’imagination carton-pâte des mises en scène des photos et extraits de films de l’époque. Gladiateurs qui reçoivent la fessée, prisonniers se chamaillant, esclaves égyptiens qui voient apparaître des génies à poil: à elles seules, ces images à la fois naïves et titillantes valent le détour.
Dès le 30 juillet
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