Dieu seul me voit : Vu d'ici
Cinéma

Dieu seul me voit : Vu d’ici

Albert (Denis Podalydès) est un type sympa et timide dans la trentaine, qui travaille comme perchiste au cinéma, travail ingrat que l’on remarque quand il est fait de travers! Adolescent attardé qui essaye de faire preuve de maturité, Albert est bien des choses: solidaire, mais lâche, maladroit, mais bien intentionné, insécure, mais séduisant malgré lui. En fait, Albert est d’abord et avant tout un être incroyablement indécis, incapable de savoir s’il doit traverser à gauche ou à droite, s’il aime la raclette ou le soccer, et s’il faut défendre ou dénoncer le système de santé cubain.

Heureusement pour lui, «Dieu seul le voit». Enfin, Dieu et nous, puisque le premier long métrage de Bruno Podalydès (qui avait déjà tourné avec son frère Denis le très sympathique et remarqué Versailles-Rive gauche) procède du principe que nous allons suivre cet indécis congénital dans les moments les plus embarrassants de sa vie professionnelle et sentimentale, et à travers les relations hésitantes qu’il va entretenir avec trois femmes: Sophie (Cécile Bouillot), une infirmière (qu’il rencontrera en allant donner du sang) avec laquelle il vivra une amourette d’écolier; Corrine (Isabelle Candelier), une policière (qui le ramènera chez elle après une arrestation) avec laquelle il vivra une passion d’adolescent; et Anna (Jeanne Balibar), une journaliste-cinéaste (qu’il rencontre à la première d’un film dont il ne sait évidemment que penser) avec qui il ébauchera les prémisses d’une relation adulte.

Cette description sommaire suggère un film beaucoup plus structuré et démonstratif que celui que Podalydès nous offre ici, car Dieu seul me voit épouse plutôt avec humour (et sur un ton qui lorgne tantôt vers le comique visuel et sonore de Tati, tantôt vers les angoisses existentielles de Woody Allen) la dérive, les hésitations et l’irrésolution chronique d’Albert. En route, Podalydès nous parle – mine de rien et sans prétention – de sa génération, des liens entre le social et le politique, et de la société française actuelle, au fil d’une comédie qui multiplie les trouvailles (de scénario et de mise en scène) avec beaucoup de finesse.

Toutefois, on sourit beaucoup plus souvent qu’on ne rit (même si trois ou quatre scènes sont vraiment hilarantes), et l’ensemble a un rythme curieusement erratique, peut-être parce que ce film d’un peu moins de deux heures en faisait apparemment quatre à l’origine! Certes, on apprécie la justesse des dialogues (écrits en tandem par les frères Podalydès), on salue la volonté de marier l’humour et la politique (d’une manière qui évoque un peu Nanni Moretti), et on admire l’intelligence avec laquelle le film explore ses personnages et ses thèmes. Mais à force d’embrasser les doutes et les indécisions de son personnage principal, et de se fondre en une figure hésitante qui n’en finit pas de discuter de ses tergiversations, Podalydès a fait un film qui est – à l’image d’Albert – généralement intéressant et sympathique, mais aussi parfois (et de plus en plus, au fur et à mesure que le film progresse) nombriliste et un peu lassant. En fait, il a réalisé un film qui fait si bien corps avec son protagoniste qu’on en sort presque aussi indécis que lui, et qu’on ne sait trop – malgré ses nombreuses qualités et son côté attachant – si on l’a vraiment aimé ou non. Bizarre…

Dès le 30 juillet
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