Better Than Chocolate : Nouveau genre
Cinéma

Better Than Chocolate : Nouveau genre

Un film comme Better Than Chocolate indique bien un changement des mentalités dans la représentation de l’homosexualité féminine au cinéma. Auparavant cantonnée aux rôles de gardiennes de prison sadiques ou de machines à fantasmes hétéros, la lesbienne version grand écran prend maintenant divers visages; elle n’est plus seulement une orientation sexuelle sur deux pattes, et s’immisce – un peu plus tard que son homologue masculin, mais que voulez-vous, «It’s a man’s world…» – dans le cinéma commercial (Chasing Amy, High Art, Bound, etc.).

Avec Better Than Chocolate, la cinéaste canadienne Anne Wheeler (Loyalties, Bye Bye Blues) s’est attaquée au genre grand public par excellence: la comédie romantique. C’est tout à son honneur d’avoir réussi un film qui, bien qu’il ne révolutionne rien (en tout cas pas le cinéma), divertit intelligemment, et tient avantageusement la comparaison avec n’importe quel film de Sandra Bullock.

Maggie (Karyn Dwyer), 19 ans, travaille dans une librairie de Vancouver harcelée par les douanes. Le jour où elle rencontre Kim (Christina Cox), une artiste vivant dans une camionnette bariolée, sa mère, Lila (Wendy Crewson), débarque chez elle avec son jeune frère (Kevin Mundy), tout juste plaquée par un mari parti cruiser les collégiennes. Ajoutez à ça un transsexuel (Peter Outerbridge) à la veille de l’opération finale, amoureuse de la patronne de Maggie (Ann-Marie MacDonald) et qui devient la confidente de Lila. Tiraillée entre sa liaison avec Kim, la défense de la librairie menacée par l’homophobie, et la crainte que sa mère, dépressive mais combative, ne découvre qu’elle est lesbienne, la jeune fille va devoir mettre de l’ordre dans sa vie.

Alors qu’il y a quelques années encore, les films gais ou lesbiens versaient dans l’expérimental et le documentaire (faute de débouchés plus commerciaux), Better Than Chocolate affiche sans complexe un traitement rigoureusement traditionnel. Avec ses intrigues entrecroisées (parfois un peu artificiellement) et son vernis artistico-côte-Ouest, cette gentille comédie est du même acabit que les sitcoms Will and Grace ou Ellen. Si l’emballage ne brille pas par son originalité, ce qu’il renferme est plus révolutionnaire, parce que présenté de façon on ne peut plus classique, et visant directement le grand public. Une mère de famille découvrant les plaisirs solitaires du dildo à piles, un transsexuel embrassant une lesbienne qui a peur de l’amour, les clientes d’un bar applaudissant deux jeunes femmes qui viennent de faire l’amour dans les toilettes: au-delà de ses scènes qui n’auraient jamais vu le jour au sud de la frontière, Better Than Chocolate dégage un plaisir communicatif à faire vivre ces personnages hors normes, sans les présenter comme des freaks.

Le film d’Anne Wheeler a ses défauts: la cinéaste aurait pu se permettre un peu plus d’inventivité; le scénario de Peggy Thompson tourne souvent les coins ronds, et résout les conflits de façon peu convaincante; et la libraire, habillée de noir et affublée d’énormes lunettes (pour faire intello?), est caricaturale; mais Wendy Crewson est délicieuse en quadragénaire qui prend sa revanche (le genre de rôle qu’aurait tenu Sally Field à Hollywood), et l’interprétation est généralement à la hauteur.

Avec ses airs de sitcom grand format, son happy end tiré par les cheveux, et son message de tolérance 101, Better Than Chocolate deviendra peut-être le prototype de la «comédie romantique lesbienne d’été»!

Au Cinéma Du Parc
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