Fantasia : To ou tard
Cinéma

Fantasia : To ou tard

Public enthousiaste et salles remplies (Ring et A Hero Never Dies; les films d’animation Spriggan et I Married a Strange Person; et le «film de monstres» Gamera 3 ont, entre autres, affiché complet à l’Impérial): aux deux tiers de son marathon, Fantasia 99 bat son plein. Reste encore une bonne semaine de films en tous genres, avec l’accent mis sur les productions japonaises et coréennes. «Il y aura beaucoup de films d’horreur asiatiques, mais pas trop de gore. Ce sont plutôt des films d’atmosphère», précise Valérie Truong, directrice des communications. À commencer par les deux Ring japonais et la version coréenne, The Ring Virus. Soulignons Whispering Corridors, énorme succès coréen sur des phénomènes paranormaux dans un collège de filles; et trois films du Japon: du cinéma d’horreur (Cure, autour de meurtres en série; et Hypnosis, sur une vague de suicides inexpliqués), et de l’animation «sérieuse», avec Jin-Roh, long métrage où un soldat se retrouve au cour d’une machination politique dans un Japon apocalyptique.

Dans un tout autre genre (bien que tout aussi explosif!), Annabel Chong viendra présenter, le 12 août, Sex: The Annabel Chong Story, un documentaire sur le record du monde qu’elle a établi en faisant l’amour avec 251 hommes en dix heures! Une performance politique (au dire de la jeune femme) qui a dû faire pâlir d’envie Annie Sprinkle. D’ici là, voici un survol de quelques films à voir, un peu, beaucoup, à la folie…

Ring
Annoncé comme le champion du box-office japonais de tous les temps, Ring, présenté pour la première fois en Amérique du Nord la semaine dernière, est-il à la hauteur de sa réputation? Tout à fait, si on le prend pour ce qu’il est: un «film de peur» ingénieux, qui ne renouvelle pas le genre, mais qui sait apprêter des recettes solides au goût du jour, et mener un redoutable suspense (surtout dans la première partie). C’est l’histoire classique d’une malédiction, mais, dans The Ring, celle-ci se propage par le biais d’une vidéocassette, et ceux qui la visionnent meurent une semaine plus tard, le visage défiguré par l’horreur. Voilà ce qui arrive quand on regarde trop la télé!

Évoquant Poltergeist, Carrie et Stephen King, ce film de Hideo Nakata intègre la vidéo, la manipulation des images et les télécommunications à un canevas classique où science et irrationnel s’affrontent, et où la soif de connaissance est toujours source de problèmes. Son succès fut tel, au Japon, que Ring 2 (également présenté à Fantasia) connut le même engouement, et qu’un troisième épisode est en préparation, sans parler du remake coréen, qu’on pourra aussi voir à Fantasia. Jouissif et efficace, Ring devrait bien inspirer quelques producteurs hollywoodiens, qui, à quelques exceptions près, manquent singulièrement d’idées…

A Hero Never Dies
À moins d’une projection supplémentaire de dernière minute, A Hero Never Dies ne repassera plus à Fantasia, mais il restera comme l’un des films les plus achevés de l’édition 99. Les sous-titres anglais défilent vite dans ce film de Johnnie To. Si ça agace au début, on se rend vite compte que ça n’a pas trop d’importance, puisque c’est avant tout à une expérience visuelle que nous convie le cinéaste hong-kongais de 44 ans, qui signe, avec cette odyssée de deux tueurs à gages, frères ennemis qui s’allient pour se venger de leurs patrons qui les ont trahis, un film impressionnant. Évoquant les premiers Sergio Leone, A Hero Never Dies en a l’ampleur (Cinémascope et mouvements de caméra généreux), le lyrisme (grands sentiments et musique quasi symphonique), la violence (les cadavres ne se comptent plus, mais on y voit finalement assez peu de sang), et les héros assumant leur destin jusqu’au bout, victimes de la fatalité.

On ne fait pas dans la dentelle dans ce polar-western aux accents poético-opératiques, mais la loyauté, la vengeance et le devoir qui forment le récit sont ici traités de plein front, sans naïveté, mais sans cynisme. Jusqu’au bouquet final (véritable ballet de coups de feu, d’ombres et de lumières, de corps qui tombent et de vitres brisées), la brillante mise en scène de Johnnie To témoigne d’un réel plaisir du cinéma, et nous fait découvrir un cinéaste doué.

Night Train
On ne peut pas en dire autant de Night Train, effort louable, mais stérile, de Les Bernstein, un cinéaste américain qui, visiblement, a vu trop de polars des années 50, et vénère Touch of Evil, de Welles. À Tijuana, Joe Butcher (tout un programme!) enquête sur la mort de son frère assassiné. Il découvre que ce dernier fut impliqué dans un réseau de prostitution et de snuff movies (assassinats filmés), et qu’un mafieux nain le traque pour se faire rembourser l’argent que son frère lui doit. Ça a l’air tordu: ça le devient encore plus.
Tourné en noir et blanc à la frontière mexicaine (l’aspect documentaire est d’ailleurs ce qu’il y a de plus intéressant), Night Train veut avoir la moiteur d’une chanson de Willy DeVille, l’onirisme inquiétant d’Eraserhead, et l’ambiance glauque de La Soif du mal. Si on peut saluer une certaine recherche formelle, et apprécier des scènes de rêve expressionnistes à souhait, Night Train ne dépasse pas les références auxquelles il fait allusion, et se complaît dans une fausse provocation qui laisse indifférent.

The Quiet Family
Mêlant allègrement la satire sociale de La vie est un long fleuve tranquille, la méchanceté du Père Noël est une ordure et l’humour sanglant de La Famille Addams, The Quiet Family montre une famille nouvellement propriétaire d’une auberge de montagne, et qui – au départ à son corps défendant, et plus tard, beaucoup moins – verra des cadavres remplir les chambres.

Succès public et critique dans son pays d’origine, cette comédie d’horreur est bien ficelée, réalisée et écrite par Kim Ji-Woon, cinéaste et scénariste formé au théâtre, visiblement influencé par une culture nord-américaine où priment le punchline et l’efficacité. Sans grande originalité, ce premier film est rondement mené par une troupe de comédiens solides, et vise le grand public. Au point qu’on se demande pourquoi un distributeur d’ici ne l’a pas déjà acheté…

Jusqu’au 15 août
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