Cinéma d’Amérique latine
C’est une tradition: chaque année, le FFM consacre une section au cinéma d’Amérique latine, scandaleusement sous-représenté le restant de l’année. Parmi les 16 films au programme, soulignons celui du Péruvien Francisco Lombardi qui, dans Ne le dites à personne, montre un adolescent coincé entre un père autoritaire et une mère dévote; et celui de l’Argentin Fernando Solanas (également membre du jury) qui, dans Le Nuage, met en scène une troupe qui veut empêcher la vente aux enchères de son théâtre, alors qu’il pleut depuis 1600 jours et que certains passants marchent à reculons… On pourra également voir des films du Brésil, de la Colombie, du Chili, de Cuba, de l’Équateur, du Honduras et du Mexique.
Québec
Hormis les deux films en compétition, plusieurs productions québécoises seront présentées en première. Par exemple, les documentaires Épouses de Dieu, tourné au Canada, en France et en Haïti, où la réalisatrice Lucie Lachapelle a rencontré des femmes parlant de leur engagement religieux (ou de l’abandon de celui-ci); et L’Effet boeuf, de Carmen Garcia, sur la situation alarmante que vivent les petits exploitants de fermes bovines.
Dans un tout autre registre, La Sombreuse, un court métrage en Cinémascope de Jean Duval et Martin Jolicoeur, montre une femme qui commande son propre assassinat; et le long métrage The Mating Habits of the Earthbound Human n’a rien de québécois, sinon qu’il est écrit et réalisé par Jeff Abugov, cinéaste d’origine montréalaise, qui examine, avec ironie et David Hyde Pierce (le «frère de Frasier») comme narrateur, les rapports de séduction entre hommes et femmes.
Documentaires
Alors que «documentaire» ne rime plus avec «objectivité» depuis longtemps, voici trois vrais films d’auteur. Mon ennemi intime, de Werner Herzog, est un essai autobiographique – images d’archives, commentaires du cinéaste et entrevues, entre autres, avec Claudia Cardinale – sur la relation d’amour et de haine que le réalisateur d’Aguirre, ou la colère de Dieu et de Fitzcarraldo entretint avec Klaus Kinski, le bouillant papa de Nastassja.
Sur un mode beaucoup plus sobre, Raymond Depardon (La Captive du désert) poursuit, avec Muriel Leferle, sa dissection attentive du système judiciaire français, avec ce portrait en trois volets d’une jeune délinquante; et Frederick Wiseman a filmé, dans Belfast, Maine, la vie quotidienne d’une petite ville portuaire du Nord-Est des États-Unis.
Made in France
Le trio des Roseaux sauvages est une fois de plus réuni dans Premières Neiges, avec, cette fois-ci, Gaël Morel derrière la caméra, Élodie Bouchez et Stéphane Rideau devant, dans cette histoire d’un hold-up de supermarché qui tourne mal. Dans La Taule, d’Alain Robak, Olivier Martinez et Claude Brasseur incarnent deux bizarres évadés de prison, alors que l’un d’eux retourne dans sa cellule de plein gré.
À l’automne 95, dans Paris paralysé par les grèves, une mère monoparentale part à la recherche du père de son fils qu’elle croit avoir reconnu dans un reportage télévisé: c’est l’intrigue de Nadia et les hippopotames, premier film de Dominique Cabrera, avec Ariane Ascaride et Thierry Frémont. Autre premier film: Les Passagers, de Jean-Claude Guiguet, dans lequel Fabienne Babe et Stéphane Rideau se croisent et se recroisent dans un train de banlieue; tandis que la coproduction franco-marocaine La Prière de l’absent, de Hamid Benani, est tirée du roman de Tahar Ben Jelloun.
Abonnés I
Chaque festival a ses chouchous. Sans que leurs films soient des chef d’oeuvre à tout coup, les cinéastes suivants semblent abonnés au FFM, seule occasion de voir leurs films à Montréal. Avis aux amateurs. Maintenant nonagénaire, Manoel de Oliveira persiste et signe avec La Lettre, dans lequel Chiara Mastroianni incarne la princesse de Clèves, aux côtés de Françoise Fabian et de Stanislas Merhar. Également membre du jury, Percy Adlon présente cette année Die Strausskiste, treize sketches commémorant le 100e anniversaire de la mort de Johann Strauss.
Cinéaste suisse à l’univers baroque (Violanta, Hécate, Le Baiser de Tosca, Jenatsch), travaillant en Allemagne, Daniel Schmid raconte, dans Berezina ou les derniers jours de la Suisse, les péripéties d’une call-girl russe qui, dans un pays imaginaire, provoque, à son insu, un coup d’État; Géraldine Chaplin est de la distribution.
Abonnés II
Cinéaste moyen, et fidèle du FFM, Amos Gitaï décrit, dans Kadosh, l’amour impossible entre un homme et une femme qui ne peuvent avoir d’enfant depuis dix ans, et qui, sur les conseils du rabbin, devront divorcer; et dans Adieu, plancher des vaches, le cinéaste géorgien Otar Iosseliani (Les Favoris de la Lune) suit le fils aîné d’une famille dirigée par la mère, redoutable femme d’affaires…
Réalisateur hongrois, célèbre dans les années 70 pour Psaume rouge et Vices privés, vertus publiques, Miklos Jancsò trace, dans La Lanterne du seigneur de Budapest, les portraits de deux types louches. Et, dans La Ville des prodiges, de Mario Camus, Olivier Martinez (Le Hussard sur le toit) incarne un jeune aventurier qui, à la veille de l’Exposition universelle de 1888, débarque dans Barcelone, ravagée par la faim et la misère.
Cinéma irlandais
Avec deux Irlandais membres du jury (le réalisateur de Cal, Pat O’Connor, et Stephen Rea, comédien dans The Crying Game), le FFM se devait d’honorer leur cinéma national. C’est chose faite avec la présentation de 17 films de la verte Irlande, dont quatre documentaires qui traitent de sujets aussi variés que la boxe, l’immigration au temps du Far West, les abus physiques et sexuels dans les écoles de la première moitié du siècle, et la relation entre deux frères, célibataires depuis 70 ans.
La fiction irlandaise va d’une histoire d’amitié par Internet entre une jeune Irlandaise et un Français qui bégaie (The Last Word) aux difficultés d’un couple dont l’homme est catholique et la femme protestante (A Love Divided), en passant par le soulèvement pour l’indépendance irlandaise en 1916. Petits truands, ex-prisonniers, délinquants mineurs et arnaqueurs à la petite semaine se partagent les intrigues des autres films présentés.
Clins d’oeil
Le réalisateur australien Paul Cox (Cactus, Vincent) s’est penché, dans Molokai: L’histoire vraie du père Damien, sur la vie d’un prêtre envoyé, en 1872, prendre soin des lépreux d’Hawaï.
Black Lake est un documentaire de Philippe Ghayad sur la fermeture, en 1997, de la plus ancienne mine d’amiante au Canada.
Après Le Comment et le Pourquoi et Actrices, le cinéaste catalan Ventura Pons montre, dans Ami/Aimé, un professeur de littérature médiévale qui, sentant la mort approcher, rédige son testament sur son ordinateur.
Après Zorba le Grec, Les Troyennes et Iphigénie, Michel Cacoyannis est de retour avec cette adaptation de La Cerisaie, de Tchekhov, dans laquelle Charlotte Rampling et Alan Bates tiennent les rôles principaux.
Inspiré d’un texte de Dali, de 1932, Babaouo, de Manuel Cusso-Ferrer, se veut le complément d’une trilogie amorcée par Un chien andalou et L’Âge d’or.
Dans La Première Fois, de Massimo Martella, six passagers du métro de Rome connaissent leurs premiers émois amoureux, et s’initient aux choses du sexe.
Énorme succès en Turquie, Propaganda, de Sinan Çetin, relate les affres d’un petit village qui, en 1948, dut se scinder entre la Turquie et la Syrie.
La mort, etc.
Jean Cocteau a déjà dit «Le cinéma, c’est la mort au travail.» S’il faut en croire les titres de nombreux films présentés au 23e Festival des Films du Monde, beaucoup de cinéastes ont pris l’ambigu poète au pied de la lettre. En effet, on retrouve, dans la programmation du FFM, Post Mortem, À mort la mort, Le Trône de la mort, Un doux parfum de mort, Quand les morts se mettent à chanter, Le canard, le chien et la putain morte, Requiem pour une femme romantique, Nécrologie et Thanatos. Sans compter les apocalyptiques Après la fin du monde, Si près du paradis, Le Retour au paradis perdu, Vivre au paradis; et le bon Dieu qui se met de la partie (La Couleur de Dieu, Les Noces de Dieu, Épouses de Dieu, God Carvings). Fin de millénaire, peut-être?