Cinéma

Films américains : Vous avez dit bizarre?

Avec les derniers films de Fichner, Polanski, Forman, Anderson, et un autre qui se passe dans la tête de John Malkovich (!), l’automne US s’annonce bizarroïde.

Si les films américains de l’automne tiennent la moitié de leurs promesses, cette saison pourrait bien s’avérer la meilleure que les majors nous aient amenée depuis longtemps. La moisson promise contient, bien sûr, sa part d’ouvres prévisibles: For the Love of the Game, de Sam Raimi, un autre film de base-ball avec Kevin Costner et Kelly Preston; Random Hearts, avec Harrison Ford et Kristin Scott-Thomas, un énième «drame d’amour» signé Sidney Pollack; deux comédies concentrationnaires dans le genre de La vie est belle (Train of Life, et Jakob the Liar, avec Robin Williams, et réalisée par Peter Kassovitz, père de Mathieu…); et l’habituelle série de films de série: Scream 3, Toy Story 2, et le dernier Bond du millénaire, The World Is not Enough (avec Pierce Brosnan et Sophie Marceau). Mais cet automne offre néanmoins un nombre étonnant d’ouvres prometteuses, sérieuses ou excentriques, qui se démarquent nettement de la production ordinaire.

La palme de l’originalité semble d’ores et déjà destinée à Being John Malkovich, le premier film du vidéaste Spike Jonze, dans lequel un marionnettiste au bout du rouleau (John Cusack) trouve une porte qui lui permet d’entrer dans la tête (on a hâte de voir le décor…) de John Malkovich! À peine moins bizarre est la prémisse de Dogma, le nouveau film de Kevin Smith (Chasing Amy), dans lequel une lointaine descendante du Christ (Linda Fiorentino), qui travaille dans une clinique d’avortement, doit sauver le monde de deux anges chargés de sa destruction (Matt Damon et Ben Affleck). Ah oui, Alanis Morissette y incarne Dieu…

Le saint patron de la bizarrerie, le regretté comédien Andy Kauffman, revit sous les traits de Jim Carrey dans Man on the Moon, de Milos Forman, portrait-miroir de la star de Taxi, dans lequel Danny DeVito, Judd Hirsh et Christopher Lloyd tiennent leurs propre rôles. La confusion cinéma-télévision se prolonge avec The Insider, de Michael Mann (Heat), où Al Pacino incarne un producteur de l’émision 60 Minutes qui lutte aux côtés d’un informateur courageux (Russell Crowe) contre le puissant lobby de la cigarette et les tergiversations du journaliste Mike Wallace (Christopher Plummer).

Brad, Tom et Tom
Dans le rayon «moins tordu, mais quand même assez bizarre», l’automne sera fertile en regards étranges sur l’Amérique; de Ride with the Devil, un film sur la guerre de Sécession réalisé par Ang Lee (The Ice Storm), mettant en vedette Tobey Maguire, Jewel et Skeet Ulrich, à American Beauty, le premier film du metteur en scène de théâtre Sam Mendes (Cabaret), dans lequel un jeune voyeur (Wes Bentley) assiste à la désintégration tragicomique d’une famille où Maman (Annette Bening) couche avec tout le monde et où Papa (Kevin Spacey) flirte avec les petites amies de sa fille (Thora Birch).

Après le puissant Dead Man Walking, Tim Robbins revient derrière la caméra avec Cradle Will Rock, un comédie d’époque politique, dont l’histoire tourne autour des difficultés qu’eut Orson Welles à monter une comédie musicale en 1937. L’impressionnante distribution rassemble Susan Sarandon, Vanessa Redgrave, Emily Watson, Joan et John Cusack, Bill Murray et John Turturro.

Paul Thomas Anderson (Boogie Nights) traque, quant à lui, les habitants de la vallée de San Fernando dans Magnolia, un film à la Short Cuts, dans lequel Julianne Moore, William H. Macy, Philip Seymour Browne et Tom Cruise (dans un tout petit rôle) incarnent des personnages dont les parcours s’entrecroisent au fil d’un étrange portrait de société.

Mais le vrai choc de la saison nous viendra probablement de Fight Club, l’adaptation très attendue que David Fichner (Seven) a tirée d’un singulier roman de Chuck Palahniuk, sur un petit homme gris (Edward Norton) qui trouve un exutoire à sa rage refoulée quand un anarchiste charismatique (Brad Pitt) l’entraîne dans un monde de combats secrets, organisés entre mâles frustrés par la société! Ajoutez Helena Bonham-Carter entre les deux, et ça devrait être assez explosif.

L’automne est évidemment aussi la saison des «films à Oscars», ou du moins ceux qui rêvent d’en remporter. Meryl Streep incarnera (aux côtés de Gloria Estefan!), une violoniste travaillant auprès d’enfants défavorisés dans Music of the Heart, de Wes Craven (Scream); et Susan Sarandon sera une mère irresponsable qui prend la route avec sa fille (Natalie Portman) dans Anywhere but Here, de Wayne Wang (Smoke). Dans Flawless, de Joel Schumacher (8MM), Robert De Niro jouera un flic qui se remet d’un accident cérébrovasculaire en prenant des leçons de chant d’une drag queen (Philip Seymour Hoffman); et Tom Hanks interpètera un gardien de prison bouleversé par un détenu aux pouvoirs étranges dans The Green Mile, de Frank Darabont, qui, après The Shawshank Redemption, signe ici sa deuxième adaptation d’une ouvre de Stephen King.

Livres d’images
Les amateurs d’adaptations prestigieuses ne seront pas en reste, puisqu’ils pourront en voir plusieurs d’ici Noël, comme Angela’s Ashes, le film qu’Alan Parker (Evita) a tiré du best-seller de Frank McCourt, où Emily Watson et Robert Carlyle incarnent un couple de pauvres Irlandais durant la Grande Dépression; ou The Talented Mr. Ripley, d’Anthony Minghella (The English Patient), dans lequel Matt Damon et Gwyneth Paltrow incarnent les héros criminels d’un roman de Patricia Highsmith, déjà filmé (et très bien, merci) par René Clément, sous le titre Plein Soleil.

Pour The Cider House Rules, c’est John Irving lui-même qui a adapté son roman, que Lasse Hallstrom (What’s Eating Gilbert Grape?) a porté à l’écran, avec Tobey Maguire, Michael Caine et Charlize Theron. Dans Snow Falling Over Cedars, l’adaptation que Scott Hicks (Shine) a tirée du roman de David Guterson, un journaliste des années 50 (Ethan Hawke) est obligé de confronter son passé lorsqu’il doit enquêter sur le meurtre d’un Américain d’origine japonaise (Rick Yune); dans The End of the Affair, le film que Neil Jordan (The Crying Game) a tiré du livre de Graham Greene, deux amants (Julianne Moore et Ralph Fiennes) se séparent dans un Londres croulant sous les bombes de la Seconde Guerre mondiale; et dans The Beach, de Danny Boyle (Trainspotting), tiré du livre d’Alex Garland, un aventurier américain (Leonardo DiCaprio) part en Thaïlande à la recherche d’une plage mythique, coupée du reste du monde.

Si cette avalanche d’adaptations littéraires vous assomme d’avance, ne vous découragez pas: entre le prochain Oliver Stone (On Any Sunday), avec Al Pacino, qui abordera le monde du football, et le nouveau Woody Allen (Sweet and Lowdown), qui nous plongera dans celui du jazz, avec Sean Penn et Uma Thurman, Roman Polanski a le film idéal pour vous: The Ninth Gate, sa propre adaptation (eh oui…) d’un livre d’Arturo Pérez-Reverte, dans lequel Johnny Depp incarne un mercenaire bibliophile, engagé par un mystérieux éditeur (Frank Langella) pour retrouver un manuscrit qui permettrait à son propriétaire de contacter le diable! Un cadeau de Noël idéal qui devrait arriver à point nommé pour donner un peu de piquant à une saison offrant un petit peu trop d’adaptations guindées…