Earth : Terre humaine
Cinéma

Earth : Terre humaine

Avec Earth, la réalisatrice canadienne d’origine indienne Deepa Mehta a entamé le second volet de sa trilogie brillamment amorcée avec Fire, un film qui posait un regard tendre et lucide sur la sexualité et le désir féminin dans l’Inde d’aujourd’hui. Mehta nous demande maintenant d’avoir des yeux d’enfants pour approcher l’insoluble problème politico-religieux qui déchire le territoire indien depuis plus de 50 ans. En fait, il faut se mettre à la place de Lenny (Maia Sethna), petite fille de huit ans, qui habite Lahore, dans la province du Punjab. Elle vit dans une belle demeure, avec ses parents aimants et aisés, membres de la caste de Parsees, historiquement neutres dans les conflits. Le 15 août 1947, date de l’Indépendance indienne, le monde de Lenny s’écroule. Sa superbe nounou, Ayah (Nandita Das), est hindoue, et elle est courtisée par deux musulmans, le bouillonnant vendeur de glaces (Aamir Khan) et le séduisant masseur (Rahul Khanna). La guerre civile, muselée pacifiquement par Gandhi, va exploser et casser les amours de la nounou et les illusions de Lenny. En quelques jours, elle va aussi briser un pays en deux, le Pakistan sera «donné» aux Musulmans, et l’Inde, aux sikhs et aux hindous.

Un million de victimes, six millions de musulmans déportés vers le Pakistan, et onze millions d’exilés: cette partition territoriale, orchestrée par les Anglais deux jours avant l’annonce de l’Indépendance, a mis le pays à feu et à sang. Bien sûr, Deepa Mehta n’avait pas les moyens de reconstituer une telle fresque, genre épopée flamboyante à la Gandhi. Elle n’avait d’autre choix que d’opter pour la vision intimiste, et donner à quelques individus le poids d’un rôle à la fois social, religieux et politique. Cependant, le scénario est inspiré d’une histoire vraie, celle de Bapsi Sidhwa, romancière pakistanaise vivant aux États-Unis.

On entre donc dans l’Histoire avec précaution. C’est l’installation de l’horreur expliquée aux tout-petits. On part du principe que le spectateur est aussi inculte qu’un enfant, et que celui-ci refuse l’horreur jusqu’à la fin. À ce niveau, la progression est juste: Lenny est d’abord spectatrice d’une tension verbale entre deux, puis plusieurs individus; ensuite, d’un accrochage physique, et enfin, de batailles rangées entre les diverses minorités. L’ivresse de la haine culmine dans la dernière scène, où l’enfant est prise à partie, et entre ainsi dans le conflit.

Outre le travail méticuleux de reconstitution historique (il a fallu cacher bon nombre d’antennes de télévision), et la gestion de plusieurs centaine d’extras, Mehta n’apporte malheureusement aucune vision originale. Comme si elle avait été écrasée par le poids de l’entreprise, une charge à la fois historique et personnelle. Une caméra souple, une lumière mordorée, un scénario bien construit et des acteurs justes: tout concorde pour la construction solide de ce film, mais rien ne vient perturber la progression classique de ce drame humain. Et cela dit sans l’ombre d’une raillerie, car ce film sérieux ne dérange ni ne bouscule. On reste froids, lointains spectateurs, habitués que nous sommes à ce genre de mélos, où les amours contrariées s’étiolent dans des pays en crise. Dans cette histoire, nous sommes aussi des Parsees, bien neutres…

Dès le 17 septembre
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