Post Mortem : L’amour à mort
Avec Post Mortem, LOUIS BÉLANGER signe un premier long métrage original et surprenant. Un film qui parle d’amour, de désir, de solitude, de combat et de pardon, et qui fait honneur au Prix de la mise en scène qu’il a reçu au dernier FFM.
Vous allez sans doute entendre dire souvent cette semaine qu’il est particulièrement difficile de parler de Post Mortem, le premier long métrage de Louis Bélanger, qui a remporté le Prix de la mise en scène au dernier Festival des Films du Monde.
C’est vrai, et pour plusieurs raisons: d’abord, parce qu’il est impossible de raconter l’histoire de ce petit film étrange sans risquer d’en dévoiler le punch (ne vous en faites pas, nous ne gâcherons pas votre plaisir ici); ensuite, parce que le charme particulier de Post Mortem dépend aussi de ses personnages et de son ambiance (qui sont – et c’est généralement bon signe – très difficiles à définir); et finalement, parce que l’alchimie de ce petit film étonnant repose sur la rencontre d’éléments qui, pris individuellement et hors contexte, risqueraient de ne pas paraître très attirants…
Bref, nous sommes ici en présence d’une surprise modeste, mais agréable, comme le cinéma nous en réserve de moins en moins souvent, et dont on a envie de dire, tout simplement (parce qu’on ne voudrait surtout pas créer d’attentes qui risqueraient d’être déçues): «Si vous aimez les petits films tordus et originaux, arrêtez de lire ce qui suit, et allez jeter un coup d’oeil sur celui-là…» Toutefois, si vous continuez à lire ces lignes, c’est sans doute que notre parole ne vous suffit pas; et que vous voulez quand même en savoir plus. Soit.
Disons donc que Post Mortem raconte l’étrange histoire d’amour entre deux personnages singuliers: Linda (Sylvie Moreau, agréable découverte), une jeune mère célibataire au chômage qui, pour élever sa petite fille, drague, assomme et détrousse les hommes qu’elle séduit; et Ghislain (Gabriel Arcand, impeccable), un employé de morgue solitaire mélancolique, épris de blues, et qui erre comme une âme en peine de son travail à son appartement.
Entre ces deux losers sympathiques (Linda s’accroche à sa fille comme Ghyslain à son blues, c’est-à-dire avec l’énergie du désespoir…), Post Mortem noue les fils d’une étrange histoire d’amour, mais aussi de flics, de sexe et de mort, où rien ni personne n’est jamais vraiment ce qu’il semble: des deux personnages principaux (deux marginaux placés au centre d’un récit dans lequel leurs actes – apparemment inexcusables – finissent par paraître compréhensibles) aux ressorts les plus fondamentaux du scénario (l’histoire d’amour n’en est pas vraiment une et le polar n’en est pas vraiment un non plus). Confus? Ça pourrait facilement l’être.
Pourtant, Post Mortem nous plonge si bien dans l’espace mental de ses protagonistes qu’on les suit sans jamais perdre le fil de leurs désirs. Cela est attribuable bien sûr à Bélanger et à son scénario habile, mais également à la fluidité du montage de Lorraine Dufour (qui a aussi assuré la production du film), et à l’intelligence de la conception sonore, qui contribue grandement à l’impact et à la cohérence de l’ensemble. Voir, pour ne prendre que l’exemple le plus évident, l’utilisation dramatique qui est faite des émissions radiophoniques de Roger Drolet, qui deviennent presque un personnage à part entière.
Fable sur le réapprentissage de la communication, dans une société où chacun est confiné à une sorte de mort, le film de Louis Bélanger est une oeuvre qui reflète et embrasse les paradoxes de son temps: un film morbide sur la vie ou un film vivant sur la mort (c’est selon), dont les «héros» sont des «perdants» qui trouvent tout de même une forme de rédemption au terme d’un parcours dont le dénouement peut être vu à la fois comme un happy end ou comme une fin particulièrement déprimante!
Partant d’un scénario qui aurait pu pencher (selon le ton choisi par le metteur en scène) du côté de la comédie noire, de l’horreur grinçante ou du drame surréaliste, Bélanger signe un film de facture quasi documentaire, qui contemple presque impassiblement une histoire à la fois cauchemardesque et romantique. Si c’est ce qui fait sa force discrète, c’est aussi, sans doute, ce qui marque ses limites.
Coup d’essai réussi (qui porte nettement la marque de la Coop Vidéo, où Bélanger a fait ses classes aux côtés de Robert Morin), Post Mortem n’est sans doute pas tout à fait digne des éloges (quelque peu excessifs) qui ont salué son passage au FFM. Original et surprenant, mais limité dans ses objectifs et dans son exécution, ce petit film prometteur réjouit toutefois par son audace, par l’amour qu’il porte à ses personnages, et par son goût de filmer le désir et l’horreur à égalité et à rebrousse-poil. En dire plus risquerait de vendre la mèche de ce film surprenant dont on a envie de parler à tout le monde… mais qu’il faut surtout ne raconter à personne.
Dès le 17 septembre
Voir calendrier
Cinéma exclusivités