Trick : Gais lurons
Cinéma

Trick : Gais lurons

A-t-on jamais pensé au nombre incalculable de comédies romantiques que l’on peut ingurgiter? On hurle à l’overdose à chaque film raté, mais il suffit d’une étincelle bien placée dans un petit film sympa pour déclencher des soupirs… C’est la théorie de la tire d’érable: c’est trop sucré, on ne veut plus en manger, et puis on craque toujours pour une dernière. Cette fois-ci, la friandise est américaine, et elle ouvre le Festival Image et Nation gaie et lesbienne. Il s’agit de Trick, premier film du metteur en scène de théâtre Jim Fall.

Gabriel (Christian Campbell, frère de Neve) rêve d’écrire une comédie musicale. Il s’essaye à la manoeuvre avec l’aide de sa meilleure amie (Tori Spelling), chanteuse désastreuse. Gabriel est gai, mais il habite avec un hétéro macho (Brad Beyer) qui monopolise le minuscule studio avec ses minettes de passage. En une nuit, Gabriel va craquer pour un go-go boy aux oreilles décollées (John Paul Pitoc). Ce qui aurait dû être une «p’tite vite» se transforme, faute d’endroit où consommer, en découverte de sentiments plus profonds. Tout ça dans le délicieux Greenwich Village.

Deux héros de milieux différents qui s’attirent, s’engueulent, se perdent dans des quiproquos vaseux et qui, enfin, s’avouent qu’ils s’aiment: mieux vaut ne pas déroger à la règle, elle fonctionne à merveille depuis It Happened One Night. Dans Trick, tous les éléments de la bluette sans épines sont présents, mais avec juste un soupçon d’originalité, un peu comme dans Chacun cherche son chat.

Jim Fall et le scénariste Jason Schafer veulent bouleverser les habitudes, mais sans choquer. Ils ont pris une grille scénaristique très banale – si les héros avaient été hétéros, Trick n’aurait fait aucune vague – et ils l’ont collés au milieu gai. Nous sommes donc plongés dans un univers qui paraît à la fois familier et très différent. La curiosité en est tout attisée. Pour une fois, les drag queens et autres torses huilés ont une place au soleil tandis que les straights font figure de paumés. Les gais sont toujours cool et humains, et les hétéros sont des obsédés sexuels, hurleurs ou stupides.

Dans cette construction en négatif tellement scrupuleuse, les acteurs s’amusent. Fossettes et petite mèche propre: Christian Campbell joue à fond le charme à la Ron Howard – tout à fait désarmant, mais avec une bonne présence. Depuis The House of Yes, Tori Spelling dévoile une sorte de folie décapante, invisible dans Beverly Hills 90210, et John Paul Pitoc se débrouille avec aisance dans son premier rôle à l’écran. Et on ne parle pas du corps… On précise dans le dossier de presse que Pitoc et Campbell ne sont pas gais. Ils ont bien fait leurs devoirs, car l’alchimie étrange du sentiment amoureux passe parfaitement entre les deux.

Nous sommes donc dans une histoire d’amour, parfois marrante et accessoirement touchante. On oublie les films désespoir, les années sida, les méninges torturées et la persécution hétéro. New York n’est qu’un vaste musical… Bref, la clé du succès de Trick ne tient qu’à la fausse naïveté de la démarche. Soit, ce n’est pas un cinéma radical ou contestataire, seulement séduisant. When Harry Met Harry: quand on veut persuader en douceur et plaire à tous.

Dès le 24 septembre
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