Comédie satirique sur la face cachée de l’Amérique profonde, Beauté américaine – le premier film du metteur en scène de théâtre Sam Mendes (Cabaret, The Blue Room), réalisé à l’invitation expresse de Steven Spielberg (dont la compagnie a produit le film) – raconte la p’tite vie déprimante de Lester Burham (Kevin Spacey, formidable), un banlieusard au bout du rouleau, usé par un travail qu’il déteste, une épouse qui l’ignore (Annette Bening), et une fille qui le méprise (Thora Birch). En somme, un père de famille comme des milliers d’autres.
Beauté américaine (qui tire son titre d’une variété de rose, que cultive l’épouse de notre antihéros) ne se contente toutefois pas d’inventorier les dysfonctions d’une famille de banlieusards types, il les pousse (de manière souvent hilarante) à leur extrême limite: papa tente donc de renouer avec son adolescence en séduisant une amie de sa fille (Mena Suvari); maman soigne sa déprime en s’envoyant en l’air avec un gourou de la motivation (Peter Gallagher); et leur fille tombe sous le charme d’un jeune vidéaste (Wes Bentley), qui filme subrepticement la vie secrète des habitants du voisinage.
De fait, Beauté américaine pourrait bien être le bout-à-bout des petits films de ce vidéaste débutant: une sorte d’anthologie tragi-comique des horreurs de la vie de banlieue, réalisée par un surdoué qui aurait étudié Blue Velvet, Happiness et Election.
Ce n’est d’ailleurs pas un reproche, dans la mesure où Beauté américaine est une comédie extrêmement habile et divertissante, qui ne manque ni de culot ni de qualités: de la justesse des dialogues, exceptionnellement raides et mordants, à l’inventivité de la mise en images, qui témoigne d’une assurance stupéfiante chez un débutant.
Superbement photographié par Conrad Hall, et mis en musique par Thomas Newman, Beauté américaine est un film rutilant auquel on ne peut reprocher en fait qu’une seule chose: la facilité du scénario superficiel, mais diablement efficace, d’Alan Ball, un vétéran des comédies télévisées (Grace Under Fire, Cybill), qui a visiblement un grand sens de la construction dramatique, un humour dévastateur et une vision très personnelle du monde; mais aussi (malheureusement!) un goût du punchline, des personnages unidimensionnels et des résolutions faciles, typique de la télévision.
En effet, plusieurs personnages du film (en particulier ceux de Bening et de Peter Gallagher) relèvent de la pire caricature télévisuelle; certains développements du scénario (surtout dans la dernière demi-heure) sont maladroitement amenés; et la conclusion (un happy end aigre-doux à la Forrest Gump, qui n’a pas dû déplaire à Spielberg) limite sérieusement la portée de ce qui s’annonçait comme une satire vénéneuse.
Sorte de Happiness allégé, Beauté américaine est une satire ambitieuse, très drôle et efficace, mais nettement moins audacieuse, émouvante et profonde que sa pub voudrait nous le faire croire: une comédie acide qui lave un peu trop blanc, une charge sociale au doux parfum de sitcom. Bref, l’examen jouissif, mais superficiel, d’un monde plaisant, mais synthétique.
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