The Limey : Ultra-cool
Bel exercice de style que The Limey, de Steven Soderbergh. Ce réalisateur qui a connu un succès instantané avec Sex, Lies and Videotapes semble pourtant passer tranquillement à côté de la gloire. De film en film, on lui fait une petite moue, on le boude un peu. Trop de style, pas assez d’idées. Son dernier long métrage, Out of Sight, en a tout de même emballé quelques-uns. Avec The Limey, c’est clair : il faut un minimum de talent et d’ingéniosité pour tenir 90 minutes avec une histoire de vengeance aussi simpliste. Le Limey (L’Anglais) est un ex-taulard (Terence Stamp) qui traverse l’Atlantique pour éclaircir le mystère de la mort de sa fille. Ancienne petite frappe échappée des années 60 londoniennes, il court après un producteur de musique (Peter Fonda), ex-hippie devenu riche sur les hauteurs de L.A. Une fois là-bas, l’Anglais croise aussi une ex-belle (Lesley Ann Warren), un ex-pote de sa fille (Luis Guzman), et quelques sales têtes de tueurs (entre autres Joe d’Allesandro).
Impossible de bouder son plaisir. Parce que le film est inventif, drôle, et, les acteurs parfaitement choisis. Et surtout parce que Soderbergh ne se prend pas au sérieux. Délibérément, il rend compliquée une histoire simplissime en utilisant tout ce qu’il a de bouton sur sa table de montage: ralenti, décalage entre dialogue et action, flash-back, projection dans le futur. On avait déjà eu un aperçu de cette cuisine dans Out of Sight. Il filme comme on s’amusait à le faire durant la Nouvelle Vague, en rendant opaque la petite histoire par le style. Et, naturellement, le spectateur se tient sur ses gardes, et devient deux fois plus attentif. On ne sait jamais, on pourrait en perdre des bouts… Un plan de Stamp assis dans l’avion traverse tout le film, mais a-t-il toujours le même sourire? Un protagoniste pose une question et quelqu’un y répond deux scènes plus loin, dans un autre décor. Une scène de bagarre se répète plusieurs fois, mais vue sous différents angles. Lesley Ann Warren et Terence Stamp discutent, mais le dialogue ne suit pas les lèvres. Alors, on s’attarde sur les regards, et on imagine une variante du jeu de séduction.
Bref, si Soderbergh voulait flirter avec un style de cinéma comme on n’en fait plus, il a parfaitement choisi ses héros: Peter Fonda est l’icône idéale, celui qui a laissé tomber les fleurs pour garder le pouvoir. Il est devenu une ordure souriante, lâche, mais cool, qui a abusé de sa liberté. Face à lui, Stamp est son opposé. Une vie dure, privée de liberté, avec un passé en noir et blanc – impressions renforcées par les extraits d’un des premiers films de l’acteur, Poor Cow, de Ken Loach, en 67. Un gars loin d’être cool, très cow boy urbain à la Clint Eastwood. Mâchoires serrées, regard glacé: dans le genre oiseau de proie, Terence Stamp est magnifique. Voir Fonda et Stamp jouer ensemble, c’est faire le constat d’une génération: comme si le premier se moquait du temps où il fut Easy Rider, comme si le second parodiait l’époque torturée de The Collector. Deux dinosaures se croisent dans le monde d’aujourd’hui. Ils sont presque drôles, sauf pour un inspecteur du FBI qui ne comprend pas un mot de ces bagarres d’un autre temps. Bref, The Limey brille de tous ses ressorts chromés. Or, ces ressorts seraient totalement inefficaces s’il n’y avait, derrière, une intelligence de conception et un savoir-faire séduisant.
Dès le 22 octobre
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