Cinéma vérité: Le moment décisif : Documents classés
Connu et reconnu pour Manufacturing Consent: Noam Chomsky and the Media, Peter Wintonick a présenté Cinéma vérité: le moment décisif au 28e FCMM (où il vient de remporter, ex-aequo avec Panic Bodies, le prix de la Meilleure oeuvre canadienne) alors qu’il était encore tout frais sorti des laboratoires. Si l’urgence et la spontanéité de la situation reflètent bien deux des valeurs chères au sujet que Wintonick traite ici, la forme, elle, manque cruellement de vigueur et d’audace…
Vers la fin des années 50, le documentaire d’auteur vit le jour, véritable rejeton «contre-culturel» de pionniers tels que Robert Flaherty et son célèbre Nanook of the North. Cinéma direct au Canada, «cinéma vérité» aux États-Unis, free cinema en Angleterre, ce mouvement se servait d’un équipement moderne, léger, maniable, qu’il utilisa pour voler des moments de vie, pour démasquer les puissants ou donner la parole à ceux et celles qui ne l’avaient pas.
Richard Leacock, Michel Brault, Jean Rouch, Karel Reisz, Pierre Perrault, Wolf Koenig, Frederic Wiseman: Wintonick a rencontré presque tous les cinéastes qui firent de ce mouvement l’un des plus importants du cinéma, et dont la devise aurait pu être cette phrase de Reisz: «Il faut vouloir ce qu’on obtient, plutôt que d’obtenir ce qu’on veut.» La liberté de ton, la démocratisation des images, l’éclairage naturel qu’ils prônèrent alors sont, aujourd’hui, vampirisés par le cinéma commercial. Il est difficile d’évaluer à quel point cette façon de voir a influencé les images des 30 dernières années, au petit comme au grand écran, dans le documentaire ou la fiction, en journalisme ou dans les vidéoclips.
Cinéma de l’instinct, recherche de la vérité, théâtre sans acteurs, le cinéma direct est directement responsable (pour le meilleur et pour le pire) des reality shows, d’émissions comme Pignon sur rue ou de films tels que The Blair Witch Project. Peter Wintonick souligne cet héritage qui, pour le grand public, est la plupart du temps ignoré, mais son film s’attarde davantage sur l’historique du mouvement, et ses représentants. Si l’intérêt pédagogique du film est indéniable, on peut s’étonner de son déroulement chronologique, et de sa forme traditionnelle (la caméra filmant l’équipe n’apporte rien, et paraît bien inutile). Les très beaux extraits qu’on y voit de Pour la suite du monde, Lonely Boy, Harlan County, USA, Chronique d’un été, Primary, Don’t Look Now, La Lutte et plusieurs autres mettent malheureusement en relief l’aspect statique de ce film instructif mais plat.
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