L'homme qui rit : Rire sonore
Cinéma

L’homme qui rit : Rire sonore

Est-ce si étonnant de redécouvrir et de saluer aujourd’hui des trésors du muet, comme L’homme qui rit, film de 1928 avec accompagnement musical et intertitres? Dans un cinéma bourré d’effets spéciaux et de surabondance verbale, rien que le duo musique et images a des effets reposants! On a tout fait, on a tout vu, retournons donc aux sources de l’art, lieu rassurant et salutaire. La récente projection-concert du Metropolis de Lang a eu un succès retentissant; on attend celle du Nosferatu de Murnau (le 5 novembre), et, cette semaine, de L’homme qui rit, de Paul Leni.

Depuis sa sortie à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, cette année, ce dernier film a fait salle comble partout où il est passé. Trois cinémathèques européennes et un laboratoire ont travaillé ensemble à la restauration du film, dont il restait quelques copies nitrate. Lors de sa projection cannoise, Gabriel Thibaudeau, pianiste attitré de la Cinémathèque, compositeur de la musique de L’homme qui rit, et maître d’oeuvre de la prestation sur place de l’Octuor de France, a eu droit à une ovation.

Tiré du roman de Victor Hugo, ce film américain réalisé par un Allemand avec des acteurs russes et allemands est un drame qui annonce les films d’horreur. Défiguré pour des raisons politiques, Gwynplaine (Conrad Veidt) a un sourire figé, dévoilant ses dents en un horrible rictus. Monstre de foire mais clown célèbre, il retombe malgré lui dans les enjeux politiques de la cour d’Angleterre, à cause d’une duchesse libertine (étonnante Olga Baclanova), alors qu’il lui préfère une belle aveugle (Mary Philbin).

Intrigue mélodramatique, yeux écarquillés des héroïnes, maquillages fascinants des méchants, L’homme qui rit n’aligne cependant que peu de clichés. Des mouvements de caméra audacieux, un souci du décor qui oscille entre l’expressionnisme allemand et le baroque, une aisance à manier les foules, une facilité à mettre en valeur des gueules incroyables, un talent pour le montage parallèle quand le drame s’intensifie, une adaptation fidèle au romantisme hugolien, une direction soignée, des acteurs nuancés: ce film présente toutes les qualités que la vieille Europe offrait alors à la jeune Hollywood. La musique est en symbiose parfaite avec chaque scène et la copie est parfaitement restaurée; ce qui nous laisse tout le loisir de nous en mettre plein les yeux. Certes, le rictus de Gwynplaine est vraiment laid, se rapprochant plus du Cri de Munch que du sourire du Joker, mais on embarque avec candeur dans une histoire à la fois simple et inspirée.

Le 1er novembre
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