

Rien sur Robert : J’suis snob
					
											Juliette Ruer
																					
																				
				
			Rien sur Robert, de Pascal Bonitzer, est le type même du film parisien. Il ne s’y passe pas grand-chose, les riches ont des tourments sexuels et intellectuels, une paire de fesses et un bout de sein se promènent, et les héros se retrouvent en fin de film plus déprimés que jamais. À croire que la capitale française génère ce genre de comportement…
Rien sur Robert est donc une comédie de surface qui s’écaille vite pour laisser le drame apparaître. Didier (Fabrice Luchini) est critique de cinéma. Il sort avec Juliette (Sandrine Kimberlain). Le petit couple ne va pas bien, et Juliette se met à coucher ailleurs. Didier en est tout bouleversé, surtout que sur le plan professionnel, il vient de commettre une bourde déontologique: faire la critique d’un film bosniaque (Underground?) sans avoir vu le film! Le Tout-Paris lui en veut, y compris un vieux prof dictateur, Ariel Chatwick-West (Michel Piccoli). Didier va donc se calmer les nerfs auprès de la fragile Aurélie (Valentina Cervi). Et la chair autour de l’os consiste en des scènes de lit, des crises, des disputes, des mots salés lancés en plein café, des portes qui claquent, des fuites à la montagne et une mère en larmes…
En 1996, Pascal Bonitzer, scénariste de Ruiz, Rivette et  autres, proposait son premier long métrage, Encore. Rien sur  Robert est du même cru: un film éclaté avec des personnages  désagréables, mais avec des dialogues souvent jouissifs.  Luchini manie à merveille la langue travaillée. À l’aise, il  nage dans les mêmes eaux que dans La Discrète, et n’offre rien  de nouveau à son personnage. Le snobisme à fleur de peau, le  mot qui roule 18 fois dans la bouche, la lâcheté suintante et  l’arcade sourcilière toujours tendue: du pur Luchini.  Kimberlain joue une emmerdeuse sérieuse à tendance charmante,  et Cervi, une caractérielle angoissée à tendance romantique.  Soit deux types de femmes difficiles pour un seul être. Piccoli  fait merveille en ogre, et Bernadette Laffont apparaît  brièvement, seul personnage sympathique du film.
  Comme dans Encore, la farce et le chassé-croisé amoureux sont  prétextes à un décapage au vitriol. Dans le film précédent, on  y attaquait la philosophie et l’éducation. Dans celui-ci, on  verse de l’acide sur le milieu des lettres, mais côté médias.  Bonitzer, ex-critique de cinéma, s’amuse des réalisateurs de  télé qui font dans le cellulaire et le film sur l’Islande, des  jeunes auteurs à la mode qui passent leur fric en fringues et  en SAAB, des vieux cons qui tergiversent sur Kundera, des  critiques qui restent critiques, et des filles qui se font  prendre comme des mouches. Les personnages ne sont pas imaginés  pour être sympathiques et en cela, ils s’approchent de la  réalité, mais leurs démêlés sont vite lassants. Parfois la  chimie fonctionne, comme dans une scène de dîner humiliante où  Piccoli écrase Luchini; mais Bonitzer cavale après plusieurs  lièvres (la rédemption, le choix, les contradictions), et n’en  attrape aucun. Or, dans ce tourbillon de parisianisme, on peut  quand même y trouver son compte, et dénicher une certaine image  de la vie d’aujourd’hui. Bref, un film tous azimuts, snobinard  et casse-pieds, qui colle parfois et avec force à la société  dépeinte. On ne parle bien que de ce qu’on connaît, paraît-il.  Soyons donc snob pour l’analyse du titre, et avouons qu’y  trouver un sens serait d’une totale futilité…
Dès le 29 octobre
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