L'Île de Sable : Chasse aux trésors
Cinéma

L’Île de Sable : Chasse aux trésors

Les films les plus difficiles à réussir ne sont pas toujours ceux que l’on croit; il est parfois plus facile d’éblouir en filmant le débarquement des forces alliées qu’en tentant de saisir les émois d’un coeur d’adolescente. Pourquoi? Tout simplement parce que le premier est intrinsèquement spectaculaire, alors que les seconds demandent beaucoup plus de sensibilité et de précision. On peut se permettre pas mal d’erreurs avec le premier, tandis qu’on ne peut en faire aucune avec les seconds…

L’Île de Sable, de Johanne Prégent (La Peau et les Os, Les Amoureuses), est de ces «petits films» qui tentent de capter en douceur des choses extrêmement fragiles: le trouble de Manou (la très bonne Caroline Dhavernas), une adolescente bouleversée par le retour de son ex, Jim (solide Sébastien Huberdeau), dans l’atmosphère paisible de leur petite ville; le choc de Manou à la mort de sa mère malade, et celui provoqué par le retour de sa grande soeur, Geneviève (l’excellente Anick Lemay); et son désespoir, sa rage et son désir de fuir cette réalité avec Jim (et le bébé qu’elle porte depuis peu) pour recommencer une nouvelle vie dans un lieu désert et quasimythique, l’île de sable.

Malheureusement, ce film honnête, sincère et bien fait, n’a ni la justesse nécessaire pour convaincre complètement des émotions qu’il dépeint, ni l’imagination requise pour les mettre en scène de manière vraiment mémorable; les dialogues sont toujours soignés, mais trop visiblement «écrits» pour être réellement convaincants; le scénario (de Gilles Desjardins et Johanne Prégent) est solide et sans temps morts, mais aussi assez prévisible et sans réels temps forts; et le symbolisme poétique de certaines images (les bibelots de verre qui se fracassent en même temps, la chambre où Geneviève repeint tout – son lit, ses livres, ses murs – en blanc, et même la vignette surréaliste qui vient clore le film) est si appuyé qu’il jure avec le reste de l’ensemble.

Tout cela est d’autant plus regrettable que le film réussit très bien certaines choses: les images de Pierre Mignot – belles sans être affectées – frappent la note désirée; le film nous révèle deux interprètes de talent en Caroline Dhavernas et Anick Lemay, et utilise habilement plusieurs chansons de Mara Tremblay (qui fait aussi une courte apparition); et quelques scènes sont très réussies: les séquences décrivant le retour de Geneviève, la brève rencontre avec le père de Jim (étonnant Raymond Cloutier), et la scène où Manou tente de convaincre une petite fille qu’elle vient de réveiller qu’elle est en fait tout simplement en train de rêver.

Mais ces éléments positifs se détachent malheureusement clairement d’un ensemble honnête, mais trop souvent moyen, qui n’a tout simplement pas la justesse, l’intensité ou l’imagination nécessaires pour captiver véritablement. Le résultat est un film qui semble vouloir aspirer à la liberté de ton et à la poésie subtile des Bons Débarras, mais qui se situe plutôt quelque part entre un Conte pour tous «adulte» et une télésérie intelligente pour ados. C’est d’ailleurs sans doute ce dernier public (traditionnellement mal servi par notre cinéma) qui risque d’apprécier le plus les trésors modestes de L’Île de Sable…

Dès le 5 novembre
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