

Show Me Love : Filles d’aujourd’hui
					
											Juliette Ruer
																					
																				
				
			Friands de films d’adolescents, les Scandinaves ont porté aux nues Show Me Love, le premier long métrage d’un Suédois de 30 ans, Lukas Moodysson. À la différence des autres films sur ce même groupe d’âge, Moodysson réussit à vraiment mettre en valeur les jeunes qu’il filme, à rester à leur niveau et à s’éloigner de sa maturité d’adulte pour laisser libre cours aux angoisses existentielles de ses héros. Les Américains devraient en prendre de la graine…
L’histoire se déroule à Amal, petite ville ennuyeuse. Agnès  (Rebecca Liljeberg) vient d’avoir 16 ans, elle n’a pas d’amis,  et des rumeurs à l’école circulent sur son compte: elle serait  lesbienne. Le soir de son anniversaire, ses parents (Ralph  Carlsson et Maria Hedborg) organisent un souper où personne ne  vient sauf les deux filles les plus populaires de l’école,  Jessica (Erica Carlson) et sa sour Elin (Alexandra Dahlström).  Les deux délurées ont l’intention de se moquer d’elle. Mais  Agnès est amoureuse d’Elin, qui, troublée, continue d’embrasser  tous les garçons qui passent. Pour se rassurer, Elin perd même  sa virginité avec Johan (Mathias Rust). Il faudra pourtant  qu’elle choisisse…
  À l’origine, le film s’appelait Fucking Amal, un titre bien  meilleur car tout à fait en accord avec le style du film, avec  le ras-le-bol d’une clique d’ados coincés au royaume de  l’ennui, dans une ville trop calme, certainement choisie par  leurs parents pour sa «qualité de vie». Moodysson a planté sa  caméra dans chaque coin du décor, sans la bouger, sans se  laisser emporter par les coups d’éclat des jeunes. Il a aussi  choisi une image avec un gros grain, renforcant ainsi le style  documentaire de cette fiction. En oubliant la machine cinéma,  on scrute à la loupe chaque personnage, et ils sont d’une  étonnante justesse. Par le jeu de tous ces amateurs, bien sûr,  mais surtout par l’acuité, le regard très pertinent du  réalisateur sur l’adolescence. Il ne s’attarde d’ailleurs  jamais sur les adultes, figures secondaires et étonnament usées  par la vie. Les envolées romantiques d’une fille qui écrit son  journal intime à l’ordinateur; sa rage quand sa mère le lit;  leur façon goguenarde de parler de cul alors qu’ils n’en savent  pas grand-chose; l’envie de tout foutre en l’air, mêlée à une  extrême lucidité; l’extase de trouver un véritable  interlocuteur; la clarté des filles, le brouillon des  garçons… Tout est intelligemment ramassé, sans lourdeur et  avec humour.
  On sort du film avec cette impression d’avoir retrouvé quelque  chose d’enfoui, peut-être les soubresauts de cette période  complexe… Le film ne laisse pas beaucoup de traces cependant;  mais il tire sa force, et son succès, d’un bon scénario, qui  atteint exactement sa cible: des chrysalides qui veulent sauter  l’étape de la transformation, des individus qui se savent hors  de l’enfance mais qui en ont gardé la rudesse non civilisée,  voire la sauvagerie.
Dès le 5 novembre
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