Ride with the Devil : Nord-Sud
Ride with the Devil est une fresque historique sur la guerre de Sécession. Un petit sujet de deux heures et quart. Mais s’il est de facture classique et réaliste, Ride with the Devil a du souffle et assez de doigté pour supporter la page d’Histoire.
Après Sense and Sensibility et The Ice Storm, il est clair que le réalisateur Ang Lee aime explorer les relations humaines en remontant le temps et en changeant les décors. Son dernier film ne déroge pas à la règle: Ride with the Devil est une fresque historique sur la guerre de Sécession. Un petit sujet de deux heures et quart. Mais s’il est de facture classique et réaliste, Ride with the Devil a du souffle et assez de doigté pour supporter la page d’Histoire.
Tiré d’un roman de Daniel Woodrell, le film raconte la guerre civile du point de vue des sudistes, les Bushwhackers, horde de paysans et propriétaires terriens ayant pris les armes pour défendre leurs traditions. On suit les entrées en guerre d’un fils d’immigrant allemand, le tendre Jake Roedel (Tobey Maguire), de son meilleur ami, le flamboyant Jack Bull Rudell (Skeet Ulrich), du gentilhomme George Clyde (Simon Baker), de l’ancien esclave Daniel Holt (Jeffrey Wright) et de la belle du Sud, Sue Lee (Jewel). Le film aurait pu être un bloc indigeste, une longue série de batailles entrecoupées de dialogues virils et poignants. Intelligemment, Ang Lee a préféré alterner les facettes. En modulant l’importance des personnages, il morcelle la guerre. Les couples évoluent lentement et la fidélité amoureuse et amicale est constamment bouleversée. Les héros chevauchent souvent à deux, mais ce ne sont jamais les mêmes. Cette mouvance des sentiments impose un rythme, change les perspectives et affine le sujet. On saisit clairement les conséquences d’une guerre fratricide sur les humains et la subtilité des enjeux pour un pays. Lee compose une mosaïque, celle de l’Amérique moderne naissante. Il fait de 1861 la date cruciale, celle qui plante le drapeau de la démocratie, d’un nouvel ordre social, de la perte des valeurs traditionnelles, de la mise à jour des problèmes raciaux et de la libre circulation des armes à feu. Les Yankees ont gagné plus que la guerre: ils ont imposé une manière de voir la vie. L’américanisation est en marche.
Dans le grandiloquent, il est bien difficile d’éviter les clichés, et on écope du traditionnel saccage de bourgade au coup du pistolet-surprise dans la nuque, en passant par des envolées musicales ad hoc; et également du gars plus à l’aise à traiter avec les morts qu’avec sa propre virginité. Et le tableau final fait dans le western, quand le poor lonesome cowboy file vers son destin, avec son colt et son fidèle Jolly Jumper, sur fond de ciel multicolore et de montagnes…
Ongles noirs et cheveux longs, les acteurs se débrouillent bien dans la boue, Jewel est fraîche et Maguire, parfois fascinant. Il a parfaitement saisi ce mélange d’innocence et de retrait de celui qui observe. Une position d’outsider qui fait écho à celle du réalisateur d’origine taïwanaise.
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