Sleepy Hollow : Beauté fatale
Cinéma

Sleepy Hollow : Beauté fatale

Après nous avoir donné l’homme-enfant (Pee-Wee’s Big Adventure), l’homme-chauve-souris (Batman) et l’homme-aux-mains-coupantes (Edward Scissorhands), Tim Burton s’attaque à l’homme-sans-tête dans Sleepy Hollow, son adaptation libre du célèbre conte de Washington Irving.

Après nous avoir donné l’homme-enfant (Pee-Wee’s Big Adventure), l’homme-chauve-souris (Batman) et l’homme-aux-mains-coupantes (Edward Scissorhands), Tim Burton s’attaque à l’homme-sans-tête dans Sleepy Hollow, son adaptation libre du célèbre conte de Washington Irving, qui, depuis sa parution, en 1819, a inspiré de nombreuses variations, dont une toute récente, réalisée pour la télévision américaine par le Québécois Pierre Gang.

Bien qu’il ait déplacé l’action en 1799 (traçant du même coup un parallèle avec notre fin de siècle), Burton adhère grosso modo à la prémisse du récit original: Ichabod Crane (ici devenu un inspecteur new-yorkais interprété par Johnny Depp) enquête sur une série de décapitations survenues dans la petite ville de Sleepy Hollow, où il tombe sous le charme de la jeune Katrina Van Tassel (Christina Ricci), et croise le chemin du mystérieux Cavalier sans tête (joué, dans les rares scènes où il en a une, par un Christopher Walken aux airs de rocker punk).

Mais le Sleepy Hollow de Burton est d’abord et avant tout un hommage affectueux à l’esthétique des vieux films de la Hammer, grand studio britannique des années 60, spécialisé dans le film d’horreur. Avec ses forêts brumeuses presque entièrement reconstituées en studio, ses images quasi monochromes rehaussées par des taches de sang trop vives, et l’apparition brève mais marquante du vénérable Christopher Lee, Sleepy Hollow comblera les amateurs des classiques de Terence Fisher tout en permettant aux fans de Burton de suivre la progression des thèmes chers au cinéaste: la subjectivité de la différence entre les «monstres» et les gens «normaux»; l’existence d’une frontière (marquée ici par un arbre «vivant») qui sert de passage entre deux mondes; et la précarité de ces notions surestimées que sont l’équilibre et la raison.

Le problème (car il y en a malheureusement un), c’est que le scénario porte aussi la marque des deux auteurs qui ont adapté l’oeuvre d’Irving: Andrew Kevin Walker (le scénariste du très sanglant Seven) et Kevin Yagher (un as du maquillage, responsable des nombreuses décapitations du film). Le premier semble avoir amené le récit dans la direction des thrillers paranoïaques des années 70 (le héros trouve à intervalles réguliers des preuves d’une conspiration impliquant les notables de la ville), pendant que le second a tiré l’intrigue du côté du film de tueur en série (l’assassin frappe de plus en plus souvent et l’illustration de ses meurtres est de plus en plus explicite).

Le résultat de cette surenchère scénaristique est un film spectaculaire mais creux, visuellement somptueux mais étonnamment vide, où le merveilleux semble constamment soumis aux lois de la raison, et où l’inexplicable est trop souvent endigué par le prévisible. Si les images d’Emmanuel Lubezki, les décors de Rick Heinrichs et les trucages de Joss Williams font du film un pur enchantement sur le plan visuel, ces qualités ne suffisent toutefois pas à enrayer les rouages d’un scénario mécanique qui transforme le Cavalier sans tête en une sorte de Terminator gothique. On quitte donc Sleepy Hollow avec le sentiment d’avoir vu un superbe album d’images, soigneusement illustré et mis en scène, auquel il manque cependant quelque chose d’essentiel: moins une tête (décapitée ou non) qu’un peu de coeur et d’esprit…

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